ANCT, ADEME, CEREMA … quel avenir pour l’ingénierie territoriale ? (nouveau rapport d’inspection)
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Dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, une mission inter-inspection pilotée par l’IGF, l’IGA, l’IGEDD et l’IGAS s’est penchée sur les interventions des opérateurs de l’État auprès des collectivités locales, en matière d’ingénierie territoriale. À travers un rapport de grande ampleur, cette mission tire la sonnette d’alarme sur une offre nationale complexe, coûteuse et peu lisible… et propose des pistes de rationalisation qui interrogent directement le rôle des agents et des services déconcentrés du ministère.
Qu’est-ce que l’ingénierie territoriale ?
L’ingénierie territoriale regroupe les compétences techniques, juridiques, méthodologiques et financières mobilisées par les collectivités pour construire leurs projets. Elle s’organise en trois phases :
- Conception des stratégies territoriales
- Montage des projets
- Mise en œuvre sur le terrain
Trois grands opérateurs sont concernés par l’étude :
- L’ANCT (Agence Nationale de Cohésion des Territoires)
- L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie)
- Le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement)
Une ingénierie locale importante
Les collectivités ne partent pas de rien. Elles disposent déjà d’une offre publique locale d’ingénierie riche, notamment via :
- Leurs propres services, ceux des EPCI, départements et régions
- Des outils locaux : agences d’urbanisme, CAUE, EPL, agences techniques départementales…
- Des bureaux d’études privés largement utilisés
- Et aussi les services déconcentrés de l’État, appréciés pour leur connaissance du terrain.
Des offres multiples, une lisibilité en berne
La mission pointe une fragmentation inquiétante de l’offre d’ingénierie :
- Près de 400 dispositifs superposés
- Des programmes sectoriels mal coordonnés
- Des coûts de gestion élevés (jusqu’à 428 € pour 1 000 € d’intervention)
- Seulement 10 % des élus jugent l’offre pertinente et accessible
Ce constat questionne l’efficacité et la complémentarité entre opérateurs nationaux et acteurs locaux (agences départementales, CAUE, urbanistes, bureaux d’études privés…).
Un empilement coûteux pour des résultats limités
Les coûts totaux de l’ingénierie territoriale pour les trois opérateurs atteignent 200 M€ en 2024, dont 55 M€ en frais de gestion :
Opérateur | Coût total annuel (2024) | Coûts de gestion | Part des coûts de gestion | Coût par 1 000 € d’intervention |
ANCT | 74 M€ | 18,2 M€ | 24,5 % | 324 € |
ADEME | 55 M€ | 15,1 M€ | 27,4 % | 378 € |
Cerema | 71 M€ | 22,3 M€ | 31,4 % | 428 € |
Ces montants intègrent des dépenses de personnel (47 M€, soit 560 ETP), des interventions et investissements (110 M€) et des dépenses de fonctionnement (43,4 M€).
Trois scénarios pour rationaliser
La mission propose trois scénarios aux économies croissantes :
Scénario | Mesure proposée | Économie potentielle |
1 – Réduction ciblée | Suppression des marchés de l’ANCT | 22–55 M€ |
2 – Réallocation locale | Fin des programmes nationaux + renfort dans 40 départements | 125 M€ |
3 – Retrait total | Arrêt complet de l’ingénierie des opérateurs nationaux | 200 M€ |
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Tous les scénarios privilégient un renforcement de l’ingénierie locale, jugée plus efficace, réactive et proche du terrain.
Des impacts à anticiper pour les agents
Ces réformes ne sont pas sans conséquences :
- Risque de désengagement de l’État vis-à-vis des territoires
- Besoin accru de coordination entre services déconcentrés, opérateurs locaux et élus
- Réflexion sur le rôle et les missions des agents face à une ingénierie plus territorialisée
En résumé : le rapport confirme que l’ingénierie territoriale est indispensable à la réussite des projets locaux, mais appelle à une réforme structurelle qui pourrait recentrer l’action publique à l’échelle des territoires. Pour les agents du ministère, cette évolution nécessite vigilance, anticipation, et mobilisation collective.
Dans la perspective d’une telle réforme, les syndicats auront un rôle important pour défendre les moyens disponibles, accompagner les changements et faire en sorte que les décisions politiques restent proches du terrain et des besoins locaux.
A noter : Cet article vise à présenter les grandes lignes du rapport récemment publié sur l’ingénierie territoriale, sans commentaire que nous nous réservons de faire après analyse détaillée des propositions. |
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Pour aller plus loin :
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Pour mémoire :
Notre article du 13-02-25 : Les agences de l’État en ligne de mire
Notre article du 13-02-25 : Échaudés par les critiques, les militants de l’ADEME réagissent !
Notre article du 25-03-25 : Agences de l’Etat : le Sénat enquête
Notre article du 07-05-25 : Le gouvernement veut supprimer un tiers des opérateurs de l’État
Notre article du 04-07-25 : Rapport de la Commission d’Enquête du Sénat sur les agences et opérateurs
Notre article du 18-07-25 : Le Cerema, un acteur public clé fragilisé par des défis financiers
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