Une conférence sociale au goût d’inachevé

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Organisations syndicales et patronales se retrouvaient ce 16 octobre au palais d’Iéna à Paris pour partager diagnostics et revendications autour de plusieurs thèmes liés au salaire et au pouvoir d’achat. Les annonces de la Première ministre, en clôture de la conférence, ont laissé la CFDT sur sa faim.

« Ensemble pour avancer » : le « slogan » de la conférence sociale voulue par Emmanuel Macron s’est affiché en grand dans l’hémicycle du Conseil économique, social et environnemental.(Cese) durant toute la journée du lundi 16 octobre. Sept mois après l’adoption de la réforme des retraites, c’est dans cette enceinte que les organisations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires) et patronales (Medef, CPME, U2P, FNSEA, Udes, Fesac) se sont retrouvées avec des membres du gouvernement. Au menu : les salaires, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les temps partiels et les contrats courts ou encore les allègements de cotisations sociales sur les bas salaires et les effets de la prime d’activité. Une journée d’échanges qui s’est conclue avec des annonces de la Première ministre.

Revoir la règle de calcul des exonérations

« Si nous ne constatons pas de progrès significatifs d’ici au 1er juin 2024, le gouvernement proposera au Parlement un texte de loi qui permettra de calculer les exonérations non pas sur la base du Smic mais sur la base du minimum de branche », a déclaré Élisabeth Borne, alors même que de nombreuses branches professionnelles ont des salaires minimaux durablement inférieurs au Smic. La cheffe de l’exécutif a également proposé la mise en place d’un Haut Conseil des rémunérations : « Lieu de travail, d’échanges et de propositions, il nous permettra d’avancer sur le lien entre productivité, création de valeur et salaire. Il permettra de suivre et d’accompagner la révision des classifications et de prévenir les tassements des grilles. » Le gouvernement souhaite par ailleurs lancer « l’acte II de la restructuration des branches », l’acte I entamé en 2017 ayant été mis en pause à cause de la crise sanitaire.

La question des contrats courts et des temps partiels subis, source de pauvreté des travailleuses et des travailleurs, est quant à elle renvoyée au futur Haut Conseil des rémunérations, qui devra préparer une négociation interprofessionnelle sur les temps partiels pour une « deuxième étape de l’agenda social ». Concernant l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la Première ministre a proposé de bâtir un nouvel index de l’égapro dans les dix-huit mois, « anticipant ainsi le délai de transposition de la directive transparence salariale ».

Une réforme du congé parental sera engagée afin que celui-ci soit mieux rémunéré et partagé entre les parents. Enfin, concernant les dispositifs d’exonération de cotisations, « la politique que nous menons depuis six ans donne des résultats pour l’emploi comme pour la réindustrialisation. Ces exonérations améliorent notre attractivité, créent de l’emploi et aident aussi à le préserver. » Pas question d’y toucher, donc.

Un manque d’éléments concrets

Cette conférence sociale « a été utile », a souligné Marylise Léon à l’issue de la journée. Cependant, « nous aurions voulu plus d’éléments concrets pour les travailleurs et les travailleuses, nous restons donc un peu sur notre faim. Nous avons surtout une feuille de route, avec un certain nombre de sujets qui vont être abordés un peu plus tard ». Plus tôt dans la matinée, lors du moment d’expression des organisations syndicales et patronales, la secrétaire générale de la CFDT avait appelé les employeurs à « assumer leurs responsabilités et partager équitablement les fruits du travail produit dans l’entreprise », et l’État à reconnaître l’investissement des fonctionnaires. La question de l’État employeur n’aura pas été abordée durant la conférence, la Première ministre renvoyant aux négociations en cours entre les syndicats de la fonction publique et leur ministère.

En ce qui concerne l’égalité professionnelle, la CFDT a proposé de revoir son index, de transposer la directive relative à la transparence des salaires au plus vite et de travailler sur le partage de la parentalité. Sur ces points, elle semble avoir été entendue. « Pour les branches qui ne joueraient pas le jeu de la négociation, maintenant notamment des coefficients sous le Smic, la CFDT appelle à ce que leurs exonérations de cotisations soient suspendues », avait aussi déclaré Marylise Léon, qui note quelques heures plus tard qu’avec l’annonce d’Élisabeth Borne, « il y a un premier pas de franchi. Le rendez-vous est un peu lointain, toutefois, au 1er juin 2024 ».

« Le gouvernement a fait preuve de beaucoup moins de timidité quand il s’est agi de la réforme des retraites, a rappelé Marylise Léon. Aujourd’hui, il avance prudemment. De notre point de vue, ça manque d’ambition. » Elle ajoute : « Nous restons mobilisés. Cette conférence est un point d’étape, a dit la Première ministre, donc nous avons hâte d’avoir un prochain rendez-vous pour faire avancer concrètement les choses. »

Par Fabrice Dedieu

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Un rendez-vous utile mais trop peu ambitieux

Par Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT

La tenue d’une conférence sociale qui a réuni organisations syndicales et patronales et gouvernement, le 16 octobre 2023 au Conseil, économique, social et environnemental, était importante.

Grâce aux mobilisations qui ont rassemblé des millions de salariés et d’agents publics dans la rue au premier semestre 2023, grâce à la CFDT qui n’a cessé de mettre les enjeux du travail dans le débat public, les salaires et le pouvoir d’achat ont enfin fait l’objet de discussions et d’échanges entre organisations syndicales, organisations patronales et le gouvernement.

Enfin, il a été question des travailleurs dont les rémunérations ne permettent pas de boucler les fins de mois ! Parce qu’ils figurent dans les bas de grille de classification, parce qu’ils sont collés au SMIC trop longtemps. Des travailleurs qui sont majoritairement des travailleuses. À la demande de la CFDT, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a d’ailleurs été traitée en tant que tel.

En conclusion de cette journée de travail, la Première ministre a retenu plusieurs revendications de la CFDT. Elle a indiqué qu’un nouvel index égalité professionnelle serait bâti pour une plus grande efficacité. La directive européenne sur la transparence salariale sera transposée dans la loi française avant la date butoir de 2026. Et enfin, la question du partage de la parentalité fera l’objet d’une concertation. La CFDT salue ces mesures portées depuis longtemps.

 En ce qui concerne la dynamique de négociation de branche, la CFDT a été partiellement entendue. La CFDT acte avec satisfaction une inflexion du gouvernement prêt à accorder moins d’exonérations de cotisations aux entreprises qui ne jouent pas le jeu de la négociation salariale.

La conférence est cependant loin d’avoir répondu à toutes les situations concrètes rencontrées par les travailleurs. Le chemin est encore long pour mieux valoriser le travail, mieux répartir les richesses produites et proposer un emploi de qualité.

 Ce rendez-vous ne peut être qu’une première étape. La CFDT veillera à ce qu’il ne reste pas sans lendemain. Les questions des temps partiels subis, des contrats courts qui nourrissent la précarité financière des travailleurs et des travailleuses ne peuvent pas rester sans réponse. Elles devront être traitées par le Haut conseil des rémunérations dont la Première ministre a annoncé la création, reprenant la demande de la CFDT d’une commission bas salaires. La fonction publique, grande absente de cette conférence, doit ouvrir un chantier sur les rémunérations et les carrières de ses agents.

Les partenaires sociaux signataires de l’accord sur la répartition de la valeur ont pris des engagements. Cette conférence vient les compléter.  La balle est désormais dans le camp de chacun des acteurs pour s’engager et apporter du plus aux travailleurs. La CFDT est prête à la saisir.

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D’après l’article initialement publié par Syndicalisme Hebdo
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