Vers la pérennisation de la rupture conventionnelle dans la fonction publique

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Le dispositif de rupture conventionnelle, instauré en 2020 dans la fonction publique à titre expérimental pour les fonctionnaires (et de manière pérenne pour les contractuels), arrive à échéance le 31 décembre 2025. À la lumière du rapport d’évaluation transmis au Parlement au printemps dernier, le gouvernement a confirmé sa volonté de rendre ce dispositif définitif, tout en l’adaptant.

Un bilan contrasté mais jugé positif

Depuis 2020, plus de 7 400 fonctionnaires ont eu recours à la rupture conventionnelle dans la fonction publique d’État. L’Éducation nationale concentre à elle seule près de 4 000 ruptures, suivie par Bercy (850) et le ministère de l’Intérieur (350).

Le coût total des indemnités spécifiques de rupture conventionnelle (ISRC) atteint 186 millions d’euros depuis la mise en place du dispositif, avec de fortes disparités selon les ministères. Par exemple, des montants de 15 000 € en moyenne à la Justice, 16 000 € à l’Éducation Nationale, 28 000 € à Bercy, 30 000 € dans notre ministère de l’Écologie, 34 000 € à la Santé, 36 000 € aux Armées, 40 000 € à la Culture, et jusqu’à plus de 60 000 € au Quai d’Orsay.

Le rapport dresse un constat nuancé :

  • Souplesse et efficacité : la rupture conventionnelle est perçue comme un outil utile pour accompagner des projets professionnels, régler des situations RH complexes ou éviter des contentieux.
  • Un dispositif mal compris : certains agents considèrent à tort qu’il s’agit d’un droit automatique, ce qui a pu générer des tensions et des refus.
  • Des risques d’abus : de nombreuses demandes émanant d’agents proches de la retraite interrogent sur un possible « effet d’aubaine ». Et aussi recours à ce dispositif non pas pour des raisons professionnelles, mais simplement pour bénéficier de conditions de départ plus avantageuses que celles offertes par d’autres modes de rupture, tels que la démission. Ce phénomène a été particulièrement observé dans des ministères où les agents choisissent ce départ pour maximiser leurs indemnités.
  • Un impact RH réel : les départs d’agents qualifiés peuvent fragiliser certains services, notamment lorsqu’ils ne sont pas anticipés.

Déjà en décembre 2023, la Cour des Comptes avait fait une mise en garde sur l’encadrement des ruptures conventionnelles. Dans son référé elle pointait une gestion problématiquede l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (ISRC) dans la fonction publique d’État, avec une « faiblesse générale des dossiers » et une absence de vérification des montants par les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels. La Cour des Comptes avait demandé une « remise en ordre rapide » notamment en soumettant, dès 2024, à tous les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels les dossiers de liquidation de l’ISRC avec mention obligatoire du revenu annuel brut et des droits à retraite sans décote des agents concernés.

Une volonté claire de pérenniser

Dans une réponse parlementaire publiée en août, le ministère de la Fonction publique a confirmé que la pérennisation par la loi est envisagée dès 2026. Deux possibilités pour y parvenir :

  • le projet de loi de finances pour 2026,
  • ou le futur projet de loi de simplification des procédures RH prévu à l’automne.

Le gouvernement insiste sur le caractère “limité mais réel” du succès de l’expérimentation, et souhaite désormais sécuriser juridiquement ce mode de cessation de fonctions.

Des évolutions à prévoir

La pérennisation devrait s’accompagner d’ajustements pour mieux encadrer le dispositif. Parmi les pistes étudiées :

  • création d’un outil interministériel de suivi des ruptures conventionnelles, pour fiabiliser la gestion et le contrôle (notamment en cas de retour dans la fonction publique) ;
  • clarification des conditions d’accès afin de limiter les « effets d’aubaine » ;
  • réflexion sur l’extension aux contractuels en CDI dans les versants où cela n’est pas encore le cas.
Et après ?

Le dispositif, qui permet aux agents de bénéficier d’indemnités et de l’assurance chômage — contrairement à une démission ou une mise en disponibilité —, s’est imposé comme une voie de sortie amiable et sécurisée. Son maintien dans le paysage statutaire de la fonction publique semble désormais acquis, reste à savoir dans quelle configuration exacte il sera inscrit dans la loi. 

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