Budget de la sécu : ça s’annonce tendu

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L’examen du projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 commence dans l’urgence afin qu’il y ait une chance d’aboutir d’ici à la fin de l’année. Très dur et inacceptable en l’état, le texte est censé être profondément modifié au cours des discussions. Le gouvernement assure qu’il y a des marges de manœuvre.

Difficile de se faire une idée précise du projet de loi de finances de la Sécurité sociale pour 2026. Le texte, examiné par la Commission des affaires sociales en fin de semaine, est en effet davantage la copie du gouvernement Bayrou que celle du deuxième gouvernement Lecornu. Preuve en est : la suspension de la réforme des retraites n’y figure pas encore (lire l’encadré en fin d’article). Pour des questions d’agenda – les lois de finances doivent être votées avant la fin de l’année et dans un calendrier très contraint1 – le Premier ministre a fait le choix de présenter un PLFSS non abouti tout en assurant qu’il était « prêt à faire évoluer le texte ». En s’engageant à ne pas utiliser l’article 49-3 (vote bloqué), il indique vouloir donner le dernier mot aux parlementaires. Le Premier ministre a toutefois martelé une ligne rouge pendant son discours de politique générale : il n’acceptera pas un texte prévoyant un déficit allant au-delà de 5 % du PIB en vue de respecter les engagements européens de la France.

L’annonce d’économies élevées

Les discussions s’annoncent donc particulièrement compliquées, tant les économies annoncées sont élevées. Après un déficit de la Sécurité sociale qui devrait atteindre 23 milliards d’euros en 2025, le gouvernement envisage de voter un budget en déficit de 17,5 milliards pour 2026 alors même que les dépenses de retraites et de santé augmentent mécaniquement du fait du vieillissement de la population. In fine, le gouvernement table donc sur un retour à l’équilibre en 2029.


© Éric Tschaen/RÉA

Pour arriver à ce résultat, il mise sur une augmentation des dépenses de santé (Ondam) de seulement 1,6 %, ce qui paraît très peu réaliste. En 2025, par exemple, l’augmentation sera de 3,5 %. Il a également prévu un cocktail de mesures afin de réaliser 7,5 milliards d’euros d’économie dans la branche santé : limitation des arrêts maladie, doublement des franchises pour les consultations et les médicaments, report de la prise en charge de la protection sociale complémentaire du personnel soignant, nouvelle cotisation sur les titres-restaurant et les chèques-vacances, etc. À cela s’ajoute la création d’une taxe d’un milliard d’euros sur les complémentaires santé.

Toujours dans une logique d’économies rapides, le gouvernement prévoit le gel des pensions et de toutes les prestations sociales (3,6 milliards). Et le Premier ministre a réaffirmé son intention de compenser le manque à gagner de la suspension de la réforme des retraites, qu’il estime à 400 millions d’euros en 2026 et 1,8 milliard en 2027. « Ce PLFSS est particulièrement dur, regrette Jocelyne Cabanal, la secrétaire nationale de la CFDT chargée de la protection sociale. Si nous nous sommes réjouis de l’annonce du gel de la réforme des retraites et de l’ouverture dont a fait preuve le Premier ministre lors de son discours de politique générale, cela ne signifie pas pour autant approbation de ce texte en l’état. »

Une Assemblée nationale extrêmement divisée

Tous les regards se tournent à présent vers les parlementaires, qui vont devoir tenter de se mettre d’accord en ce qui concerne la modification en profondeur les équilibres du PLFSS. Une gageure, tant l’Assemblée paraît divisée. L’extrême droite et l’extrême gauche ne souhaitent manifestement pas jouer le jeu, comptant avant tout faire tomber le gouvernement. Le bloc central dénonce déjà une hausse des impôts et des cotisations inacceptable à leurs yeux. Le Parti socialiste, quant à lui, espère obtenir de nouveaux financements, notamment grâce à une taxe Zucman ou son équivalent. Difficile de savoir s’il est encore possible de rapprocher les différents points de vue…

Selon la CFDT, il est clair que les efforts demandés sont loin d’être équitablement partagés. Les malades et les retraités sont excessivement mis à contribution… alors que les efforts demandés aux entreprises sont presque inexistants. « Cette loi de financement reste, à cet égard, une loi de sous-financement, faite en grande partie de coups de rabot dans les prestations, explique le secrétaire confédéral Éric Badonnel. Il n’y a guère de recette nouvelle. » Le PLFSS 2026 ne prévoit même pas une augmentation des taxes comportementales déjà existantes (sur les jeux, le sucre, les alcools). La CFDT pense qu’il faudrait notamment voter une hausse de la contribution sociale généralisée, en particulier sur les revenus du patrimoine et des placements financiers, afin de redonner de l’oxygène au système, et ainsi trouver le chemin d’un compromis.

Par Jérôme Citron
rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

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Gel de la réforme des retraites

C’est une victoire pour la CFDT, qui ne boude pas son plaisir.
Résolument opposée à la réforme des retraites portée par Élisabeth Borne, elle n’a jamais renoncé à soigner cette « blessure démocratique » en exigeant des aménagements. Le nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, semble avoir entendu le message. Lors de son discours de politique général, le 14 octobre dernier, il a annoncé la suspension de la réforme Borne. Techniquement, c’est comme s’il avait décidé de figer dans le temps les évolutions prévues dans la loi.

Pour mémoire, depuis 2023, l’âge minimal de départ à la retraite progressait de trois mois chaque année pour finalement atteindre 64 ans. L’âge minimal restera finalement à 62 ans et 9 mois jusqu’au 1er janvier 2028. En ce qui concerne la durée minimale de cotisation, la mécanique est identique. Alors qu’elle était censée augmenter pour atteindre progressivement 172 trimestres, elle restera à 170 trimestres jusqu’au 1er janvier 2028. La première génération concernée est celle des personnes nées en 1964, qui ne pouvaient pas partir avant 63 ans. Selon le gouvernement, 3,5 millions de salariés sont susceptibles de bénéficier de ce gel.

Cette suspension de la réforme Borne doit à présent être votée via un amendement dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS). Ce n’est donc qu’en ayant connaissance du contenu exact de cet amendement que l’on connaîtra les détails de la mesure, notamment ses conséquences sur les carrières longues. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé qu’il comptait intégrer au PLFSS deux mesures en faveur de la retraite des femmes ayant eu un ou plusieurs enfants. Là non plus, on ne connaît pas encore le détail des mesures, mais l’idée est de s’inspirer des travaux du « conclave retraites » – lequel proposait de calculer la retraite sur les 24 meilleures années au lieu des 25 pour les femmes ayant eu un enfant (et sur les 23 meilleures années pour deux enfants, etc.) et de prendre en compte les trimestres acquis au titre de la maternité dans le dispositif carrière longue.

Pour que ce gel devienne effectif, il faudra donc que le PLFSS soit voté, ce qui reste encore hautement hypothétique. Selon le gouvernement, ce « geste fort » reste bel et bien une monnaie d’échange qui doit permettre de trouver un compromis au sujet du budget de la Sécu et, plus généralement, sur le budget de l’État (PLF). Le Premier ministre a franchi une première étape en évitant une censure à la suite de son discours de politique générale, mais le chemin est encore long d’ici à la fin de l’année et le vote final des PLFSS et PLF.

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PLFSS 2026 : de nouveaux combats à mener

Par Jocelyne Cabanal
secrétaire nationale de la CFDT

La CFDT a remporté une bataille avec l’annonce de la suspension de la réforme de 2023 relative aux retraites. Toutefois, de nouveaux combats restent à mener avant le vote du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.

La version initiale de ce texte, préparée par les gouvernements précédents, n’intègre pas encore la suspension de la réforme des retraites, et surtout garde la tonalité d’austérité voulue par François Bayrou. Il nous faut donc rester mobilisés.

Il y a certes quelques propositions intéressantes. La CFDT approuve ainsi les dispositions en faveur des femmes proposées lors du conclave sur les retraites. Mais il y a encore tant de points à corriger ! Nous attendons toujours une meilleure prise en compte de la pénibilité. Et nous contestons le choix d’une année blanche pour les pensions de retraite et les prestations sociales.

En l’état, le PLFSS est un texte injuste et brutal qui ne résout pas les problèmes structurels de la Sécurité sociale. Nous nous opposons en particulier aux dispositions relatives à la branche maladie. Le niveau proposé pour l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) 2026 est irréaliste, les efforts demandés très déséquilibrés, et le report de la protection sociale complémentaire pour les agents de la fonction publique hospitalière inacceptable !

En conséquence, la CFDT demande aux parlementaires de concrétiser l’annonce du Premier ministre et d’améliorer le PLFSS afin que les efforts soient équitablement partagés.

Jocelyne Cabanal

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D’après l’article initialement publié par Syndicalisme Hebdo
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