Conseil constitutionnel : les abeilles gagnent une bataille, pas la guerre

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Le 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a censuré l’une des mesures les plus contestées de la loi Duplomb : la possibilité de déroger à l’interdiction d’utiliser des produits contenant des néonicotinoïdes, comme l’acétamipride.

Ces substances, déjà largement documentées par la communauté scientifique, représentent des risques environnementaux et sanitaires majeurs, notamment pour les abeilles et pour la santé humaine. L’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) avait d’ailleurs déjà évalué leur nocivité.

Une victoire issue d’une mobilisation massive

Cette décision est le résultat d’une mobilisation citoyenne et syndicale d’une ampleur rare :

  • La pétition lancée par Éléonore Pattery, étudiante à Bordeaux, a recueilli plus de 2,2 millions de signatures.

  • Un collectif de scientifiques et de patients a publié une tribune dans Le Monde.

  • Près de 400 chefs cuisiniers et acteurs de la restauration ont également signé une tribune appelant au retrait de la loi.

Cette pression publique a pesé lourd dans la balance et montre qu’une mobilisation massive peut faire reculer les intérêts agro-industriels, pourtant soutenus par la droite et l’extrême droite. Un sondage Harris Interactive indiquait d’ailleurs que 57 % des Français rejetaient la loi Duplomb.

Une victoire… mais partielle

Si la censure des néonicotinoïdes est une bonne nouvelle, le Conseil constitutionnel a toutefois validé plusieurs dispositions contestées :

  • Assouplissement de certaines procédures environnementales pour la construction ou l’extension des grands bâtiments d’élevage (porcs, volailles, bovins).

  • Présomption d’intérêt général majeur pour les retenues de stockage d’eau à vocation agricole, les fameuses « méga-bassines », au regard des directives européennes sur l’eau et les habitats.

  • Une presque mise sous tutelle de l’Office français de la biodiversité (OFB).

Ces mesures vont clairement dans le sens d’une agriculture productiviste, au détriment de la biodiversité et de la santé publique.

Réactions contrastées

La décision sur les néonicotinoïdes a été saluée par des médecins, des associations de lutte contre le cancer et par la Confédération paysanne (troisième syndicat agricole), qui parle d’une « victoire d’étape » et appelle à « continuer de mettre la pression pour réorienter les politiques agricoles ».
À l’inverse, la FNSEA et la Coordination rurale (premier et deuxième syndicats agricoles) dénoncent une décision « inacceptable ».

Le président Emmanuel Macron a déclaré avoir « pris bonne note » de la décision et qu’il « promulguerait » le texte dans les meilleurs délais, tel qu’amendé par le Conseil constitutionnel.

Et maintenant ?

La CFDT avait déjà prévenu : l’intitulé de la loi Duplomb — lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur — ne doit pas servir de prétexte à réduire les ambitions environnementales et sanitaires. Sur ce point, la décision du Conseil constitutionnel va dans le bon sens.
Mais les défis restent immenses : les solutions d’avenir pour l’agriculture doivent être imaginées avec tous les acteurs, et notamment les salariés agricoles, trop souvent oubliés des discussions.

Suite à la pétition, la CFDT souhaite vivement qu’un débat parlementaire approfondi soit organisé. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, avait déclaré y être favorable. Certes, cela ne modifiera pas la loi déjà promulguée, mais ce serait un pas important vers une agriculture respectueuse de l’environnement, de la biodiversité et de la santé humaine.

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