Détachement d’office de fonctionnaires vers le secteur privé

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Détachement d’office de fonctionnaires vers le secteur privé (16-06-20)

Un fonctionnaire employé dans un service public dont la gestion est confiée à une entreprise peut désormais être détaché dans celle-ci, sans qu’il ne puisse s’y opposer. Le décret 2020-714 du 11 juin 2020, précise les conditions d’application de cette disposition de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019.

Le projet de décret avait fait l’objet de deux examens, suite au rejet unanime, à l’occasion de la séance du 30 janvier dernier, du collège d’organisations syndicales, qui y voyaient tout simplement un « transfert obligatoire d’agents en cas de privatisation ».
Lors de la réunion du 12 février, les huit syndicats présents ont à nouveau rejeté en rangs serrés une version légèrement modifiée. La nouvelle version soumise à délibération intégrait quelques-unes des modifications proposées le 30 janvier par certains syndicats (en particulier par la CFDT, concernant l’indemnité de départ perçue dans la fonction publique territoriale). L’opposition est pourtant restée tout aussi vivace après ce second round du 12 février, d’autant que là encore, le gouvernement n’a accepté que peu d’amendement (la CFDT, les employeurs territoriaux et hospitaliers en avaient déposé de nouveaux).

Le décret qui précise les modalités de mise en œuvre de cette mesure de la loi de transformation de la fonction publique est paru le 13 juin 2020. Ce décret fixe les modalités de détachement d’office des fonctionnaires sur un contrat à durée indéterminée lorsque l’activité d’une personne morale de droit public employant des fonctionnaires est transférée à une personne morale de droit privé ou à une personne morale de droit public gérant un service public industriel et commercial.

« Lorsqu’une activité d’une personne morale de droit public employant des fonctionnaires est transférée à une personne morale de droit privé ou à une personne morale de droit public gérant un service public industriel et commercial, des fonctionnaires exerçant cette activité peuvent être détachés d’office, pendant la durée du contrat liant la personne morale de droit public à l’organisme d’accueil, sur un contrat de travail conclu à durée indéterminée auprès de l’organisme d’accueil ». C’est ce que stipule l’article 76 de la loi du 6 août 2019, en application duquel le décret a été pris. Jusqu’à présent, le détachement n’intervenait qu’à la demande du fonctionnaire, lorsque celui-ci voulait occuper un autre emploi (dans la fonction publique ou le secteur privé), ou exercer un mandat politique ou syndical, notamment.

Cette loi du 20 avril 2016 sur la « déontologie », les droits et les obligations des fonctionnaires a toutefois introduit la notion de détachement d’office pour permettre à une autorité territoriale de détacher un fonctionnaire suspendu et faisant l’objet de poursuites pénales. La loi publiée au cours de l’été dernier a donc inscrit dans le statut un second cas de détachement automatique, beaucoup plus polémique.

Dans le cadre d’une opération de délégation d’un service public dans lequel ils sont affectés, les fonctionnaires ne peuvent plus refuser leur détachement sur un CDI au sein de l’entreprise délégataire. Cela met fin à « une difficulté soulevée par de nombreux employeurs publics », avait justifié le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt, lors des débats parlementaires sur la loi de transformation de la fonction publique. Ainsi, avait-il précisé, il ne sera plus possible que tous les cuisiniers titulaires refusent leur détachement lorsque le service de restauration collective au sein duquel ils sont employés fait l’objet d’une externalisation. Dans de pareilles situations, l’employeur pouvait se retrouver auparavant avec « des cuisiniers sans cuisine », avait pointé l’ancien maire d’Annonay.
En outre, il relativisait les conséquences du dispositif pour les personnels concernés, compte tenu des « garanties » inscrites dans la loi. Le texte prévoit « un régime plus protecteur pour les agents que le régime du détachement classique », notamment « en termes de salaires, de déroulement de carrière et de possibilité de retour dans l’emploi public avant terme », disait-il.

Le transfert obligatoire des conseillers techniques sportifs (des agents de l’Etat) vers les fédérations sportives, qui avait suscité au printemps 2019, un vent de fronde dans les milieux sportifs, n’aura pas lieu, puisque les parlementaires l’ont exclu.

Reste toutefois un champ très large d’application du détachement d’office. Le gouvernement a évoqué son usage par exemple pour le fonctionnement des maisons de services au public : des fonctionnaires seraient détachés auprès de mutuelles (Mutualité sociale agricole, par exemple) et d’associations (les fédérations départementales des Familles rurales ont été citées), lesquelles seraient en charge de la gestion de ces maisons.

 

Source : Localtis