Intervention de Laurent BERGER à la réunion avec le Président de la République (10-12-18)

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Intervention de Laurent BERGER à la réunion avec le Président de la République (10-12-18)

Réunion du Président de la République avec les forces politiques, territoriales, économiques et sociales – Palais de l’Elysée – 10 décembre 2018

Intervention de Laurent Berger – Secrétaire général de la CFDT

Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames , Messieurs,

La situation que notre pays traverse est grave. Nous avons à plusieurs reprises fait part auprès de votre gouvernement de nos analyses et propositions pour en sortir.
Les causes de cette grave crise sont multiples et trouvent leurs racines dans les profondes inégalités qui minent notre contrat social depuis des décennies.
Car ne vous trompez pas de diagnostic. Ce qui est en cause, ce n’est pas le seul montant des impôts, c’est le pacte social ou contrat social. Croire qu’on peut acheter la paix sociale à coups de baisses d’impôt, c’est de nouveau renoncer au projet collectif. Ce serait une grave erreur. L’enjeu est social au sens le plus noble du mot : qu’est ce qui nous fait vivre ensemble ? qu’est-ce qui nous unit ? qu’est-ce qui nous inscrit dans un projet collectif dans cette période de profondes mutations (économiques, écologiques, géopolitiques, démographiques) qui inquiètent nombre de travailleurs et citoyens ?
C’est tout le sens de l’appel de la CFDT à négocier un nouveau contrat social de la transition écologique. Il est grand temps de le faire car ce dont il s’agit c’est d’un changement de modèle de développement. Un modèle de développement qui doit aussi être européen … une Europe qui ne saurait servir de défouloir à cette crise. C’est un réel danger.

A votre arrivée, vous bénéficiiez d’un formidable capital de confiance. Il a été dilapidé dans des mesures inégalitaires et dans une perte de sens du projet collectif.
Beaucoup pour la liberté, peu pour l’égalité et une fraternité qui nous abandonne.
Les classes populaires, les territoires délaissés, les services publics et ceux qui les rendent, l’écologie ont été négligés, réduits au rang de mesures compensatoires. Et je ne parle pas de l’attention portée aux partenaires sociaux, aux corps intermédiaires et au dialogue social.

Il est absolument indispensable aujourd’hui de répondre à de nombreux défis.

La première attente, c’est donc que vous portiez ce diagnostic, sans concession, en affirmant votre volonté de restaurer le contrat social.

La seconde, c’est de prendre immédiatement des mesures de justice sociale qui passent par de la justice fiscale : institution d’une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu pour les hauts revenus ; d’une tranche supplémentaire de droits sur les successions. Ce serait la juste contrepartie de la suppression de l’ISF et d’une société qui favorise la rente.

La troisième, c’est d’affirmer clairement la volonté de lutter contre le changement climatique dans tous les domaines et pas par la seule fiscalité. Cela nécessite des investissements fort dans l’isolation des logements comme dans les transports publics pour ne prendre que ces exemples.

La quatrième, ce sont des mesures de soutien au pouvoir d’achat via la prime d’activité, l’aide au transport, à l’énergie, au logement qui représente un poids croissant dans les difficultés quotidiennes de nombre de travailleurs…. Le pouvoir d’achat, ce sont aussi les salaires et nous demandons à ce titre que de véritables possibilités existent pour pousser la négociation sur le partage de la valeur ajoutée créée dans les entreprises. C’est l’occasion d’une transparence, de débats avec les représentants du personnel, d’évaluation qualitatives sur l’utilisation des aides aux entreprises et d’avancées plus fortes sur la gouvernance des entreprises avec une place accrue des travailleurs.

La cinquième, c’est de convoquer immédiatement une conférence nationale et des conférences régionales du pouvoir de vivre, auxquelles participeraient les partenaires sociaux, les collectivités locales et les associations. Il faut soutenir la démocratie sociale et représentative. Il faut réaffirmer la place des territoires dans notre démocratie politique et sociale. Il faut y faire vivre des services publics répondant aux besoins de tous les citoyens. Il faut tout mettre en oeuvre pour rendre aux citoyens le pouvoir de construire leur parcours de vie. Un parcours de vie fait de droits individuels et collectifs mais aussi d’accessibilité à ces droits et au service public, d’accompagnement dans tous les moments cruciaux de la vie.

Ce qui se joue, Monsieur le Président, c’est à la fois le sens et la méthode. Le sens du pacte social dans la France et l’Europe d’aujourd’hui. Et une méthode de gouvernance faite de délibération collective, de transparence et d’exigence de résultats à hauteur d’hommes. Une méthode de gouvernement faite d’empathie et de compréhension envers l’ensemble des français quelle que soit leur place dans la société.

Sur l’ensemble de ces sujets la CFDT a formulé des propositions lors de toutes les concertations. Encore vendredi dernier lors de la réunion au Ministère du Travail. Elles se résument à cinq grands sujets : l’amélioration du pouvoir d’achat et la juste répartition des richesses ; les transports et la lutte contre les fractures territoriales ; le logement ; la justice fiscale ; l’engagement et l’accompagnement de la transition écologique.

La CFDT est prête à jouer tout son rôle pour soutenir une action qui prendrait en compte ces attentes, prête à prendre sa part dans la construction du contrat social du 21ème siècle. Car, au-delà des mesures matérielles, elle croit à la construction d’une société fraternelle, qui dépasse les clivages par l’écoute, le dialogue et la volonté collective.

Je ne crois pas, Monsieur le Président, que nous vivions une période banale. Cette crise peut être transformée en opportunité pour une société plus juste et plus apaisée. Cela passe par la capacité de conjuguer contrat social et pacte territorial. Vous ne ferez pas tout seul mais il dépend de vous de donner cette impulsion.