Hausse de 47% de leurs bénéfices : jackpot pour les sociétés d’autoroutes en 2021

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L’année 2021 a été marquée par un rebond du trafic sur les autoroutes françaises et une nette augmentation du bénéfice des sociétés concessionnaires qui a atteint 3,9 milliards d’euros, selon un rapport de l’Autorité de régulation des transports.

L’Autorité de régulation des transports (ART) a publié son rapport 2022 sur le trafic autoroutier. Le trafic, tous véhicules confondus, a progressé de 20,7 % en 2021 par rapport à l’année précédente qui avait été affectée par le Covid-19, selon cette étude.

Celui des véhicules légers a augmenté de 22,9 %, mais est resté à 93 % de son niveau de 2019, avant la pandémie. Celui des poids lourds, qui avait moins chuté en 2020, a progressé de 10,1 % pour atteindre 102 % de son niveau de 2019.

Le chiffre d’affaires des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) a atteint 10,6 milliards d’euros en 2021, dont 10,3 milliards provenaient des péages – à 98 % de son niveau de 2019. L’excédent brut d’exploitation (Ebitda) a connu la même évolution.

Hausse des dividendes

Compte tenu de la diminution du taux de l’impôt sur les sociétés et d’une baisse des frais financiers, le bénéfice net 2021 des SCA a augmenté de près de 47 % en 2021 pour atteindre 3,9 milliards d’euros, dépassant celui de 2019 d’environ 11 %, a constaté l’ART.

Les investissements ont modérément rebondi, restant de 5 % inférieurs à leur niveau de 2019.

Les SCA – un ensemble dominé par Vinci, Eiffage et Sanef (Abertis) – ont versé 3,3 milliards d’euros de dividendes, une somme en augmentation de près de 40 % par rapport à 2020 et de 5 % par rapport à 2019. L’endettement net des SCA a diminué de 4,8 % en 2021, à 26,3 milliards d’euros.

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D’après des articles de plusieurs quotidiens avec l’AFP
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On en parle dans le Canard Enchaîné du 04-01-23

 

L’Etat fait beaucoup de concessions (ruineuses) aux géants autoroutiers

 

Entre superprofits indus et rentes de situation, le tapis rouge leur est déroulé.

CONTRÔLER LES TARIFS des péages, ces barrières d’auto route où l’automobiliste est taxé sans pitié ? C’est le boulot de l’Autorité de régulation des transports (ART). « Le Canard » a pu consulter le rapport de cette entité publique indépendante qui doit paraître à la fin du mois de janvier. En voici quelques pépites 18 carats, garanties sans plomb.

Dividendes à fond la caisse

3,3 milliards d’euros : tel est le plantureux montant des dividendes que se sont versés, en 2021, les actionnaires des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA) – dont les groupes Vinci, Eiffage et Sanef représentent 94 % du chiffre d’affaires. Près de 160 millions de plus qu’en 2019 ! Alors, rassasiés ? Pas vraiment. Les géants autoroutiers se seraient bien resservis si l’ART n’avait pas mis le holà.

Ainsi, grâce à 17 avis « incitant l’Etat à mieux négocier avec les SCA (…), ce sont 303 millions d’euros de prélèvements sur les usagers qui auront finalement été évités », sur les 2 milliards de hausse initialement prévus. Pour faire baisser la note, le régulateur a poussé l’Etat à annuler certains cadeaux traditionnellement consentis aux SCA.

Par exemple, neuf aménagements prévus dans le cadre du plan d’investissement autoroutier de 2017 -représentant 127 millions d’euros et qui incombaient aux concessionnaires –« devront être réalisés sans nouvelle compensation » financière de la part de la puissance publique. C’est d’une cruauté !

Inflation pied au plancher

Indexés sur l’inflation, les tarifs des péages autoroutiers vont bondir, en moyenne, de 4,75 % au 1er février. Une hausse qui inspire ce commentaire au sénateur Vincent Delahaye, rapporteur de la commission d’enquête sur les concessions autoroutières (Twitter, 8/12) : « L’augmentation de 4,75 % pour les péages, c’est trop ! Elle aurait normalement dû être de 1,8 %, car les charges d’exploitation ne représentent que 30 %. »

C’est en effet un très joli bonus pour les SCA, constatent les rapporteurs de l’ART. Car, même dans ce contexte de hausse des prix de l’énergie et des matériaux, « leurs charges augmentent moins vite que leurs recettes ». Tant et si bien, ont-ils calculé, que ce contexte inflationniste « pourrait induire (…) une perte cumulée pour l’usager de 5,4 milliards d’euros courants » d’ici à la fin des concessions.

Aussi l’Autorité recommande-t-elle, pour les contrats à venir, de « renoncer à une indexation des péages sur les indices de coûts ou d’en corriger le calibrage ». Certains croient encore au Père Noël.

Automobilistes carrément roulés

C’est ce qui s’appelle gagner à tous les coups. En 2021, se fondant sur la jurisprudence du Conseil d’Etat, le gouvernement a validé l’augmentation du prix des péages, calculée sans tenir compte d’une inflation négative (l’indice des prix à la consommation hors tabac entre octobre 2019 et octobre 2020 ayant été de – 0,23 %). La conséquence ? Une hausse des tarifs de 0,45 %, contre 0,29 % si le recul de l’inflation avait effectivement été pris en compte dans la formule.

Vu de loin, l’écart paraît minime, mais il s’est tout de même traduit par… « un prélèvement supplémentaire sur les usagers de 274 millions d’euros » ! Conclusion des rapporteurs : « Il serait pertinent que les évolutions de l’inflation soient répercutées dans toutes les configurations, à la hausse comme à la baisse. »

Moins de profits ? Clause toujours !

Petit retour en arrière. En 2015, un certain Emmanuel Macron, alors à Bercy, souhaite « un rééquilibrage »

des relations entre les grands groupes concessionnaires et l’Etat plus favorable à ce dernier. Dans son plan de relance autoroutier (cosigné avec Ségolène Royal, alors à l’Ecologie) sont introduites des « clauses d’encadrement de la rentabilité » des sociétés historiques. Y figure une clause dite « de durée endogène ». Elle prévoit que, si pendant la durée d’allongement des contrats, les recettes desdites sociétés dépassent très fortement les prévisions, alors les concessions pourront s’achever de manière anticipée.

Aucun danger pour les actionnaires, indiquent les rapporteurs. Pour que le contrat soit raccourci, il faudrait, selon leurs calculs, que le trafic augmente entre 13 et 26 % par an (selon les tronçons) jusqu’à la fin des concessions en question, prévue entre 2031 et 2036. Parier sur un triplement, un quadruplement ou plus de la circulation dans la décennie à venir ? Très réaliste ! D’où la conclusion de l’Autorité : « Lorsqu’une clause est mise en place, s’assurer de son bon profilage en mesurant sa probabilité de déclenchement (…) ».

Depuis des années, « Le Canard » ne cesse d’informer ses lecteurs sur le racket des automobilistes qui empruntent les autoroutes. Ce rapport officiel vient confirmer les manœuvres des concessionnaires pour renforcer leurs rentes de situation.

Encore bravo à l’Etat et à ses hauts fonctionnaires pour leur vigilance de chaque instant !

Clara Bamberger

Dur de la feuille de route

EVOQUANT les « impératifs liés au changement climatique », les rapporteurs font une remarque ingénue : à ce jour, « la puissance publique [ne s’est] pas dotée d’une feuille de route précise des actions à mener pour décarboner le secteur autoroutier. Il n’existe  pas de chiffrage faisant référence sur ces besoins et encore moins un plan d’investissement structuré et programmé dans le temps ». Macron, le grand manitou de la transition écologique, n’aurait-il quand même pas négligé ce détail ?

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D’après l’article initialement publié par Le Canard Enchaîné du 4 janvier 2023
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