La Grande Sécurité Sociale : la grande fausse bonne idée

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À l’occasion du 76e anniversaire de la Sécurité sociale, en octobre dernier, Olivier Véran, le ministre de la Santé, évoquait une réforme du système, autour d’une articulation « efficiente » entre la part obligatoire et les complémentaires. Le ministre avait demandé un rapport au HCAAM (Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie) pour explorer divers scénarios d’une telle refonte.

Le premier scénario établit une couverture de presque toutes les dépenses de santé par la Sécurité sociale – consultations auprès des professionnels de santé libéraux, soins hospitaliers ou médicaments – entraînant un coût de 18,8 milliards d’euros, ou 17,1 milliards si les franchises étaient maintenues. En compensation, le Haut conseil envisageait un accroissement des cotisations sociales patronales ou de la contribution sociale généralisée (CSG).

Les autres scénarios envisagent la coexistence de l’assurance-maladie et des complémentaires, sans grand changement, voire une amélioration pour les retraites modestes ; une prise en charge plus importante des complémentaires et l’obligation de souscrire une complémentaire, pour tous, avec un encadrement des tarifs.

Le premier scénario a mis vent debout les mutuelles et assurances, les médecins libéraux ainsi que certains hommes politiques et syndicats. Certains ont fustigé ce projet consistant selon eux à « transférer la prise en charge de 30 milliards de dépenses de soins des complémentaires santé à l’Assurance maladie » et à creuser la dette publique.

Sans surprise, la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) a tiré la sonnette d’alarme, évoquant la disparation de près de 100 000 emplois et le risque de voir un système de santé à deux vitesses, à l’anglaise.

Les syndicats, impliqués dans la gouvernance des organismes complémentaires, se sont également étonnés, de la manœuvre et de son timing.

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Déclaration CFDT : La Grande Sécurité Sociale

Depuis quelque temps un certain nombre de personnes évoquent l’idée que l’on pourrait résoudre nombre de problèmes de notre système de santé en érigeant ce qu’on appellerait la « Grande Sécu » ou le « 100 % sécu ».

Pour la CFDT notre attachement viscéral à ce qu’elle nous apporte pourrait rendre de prime abord l’idée séduisante.

Mais ce serait nier l’histoire de la construction de notre système de protection sociale, bâti grâce à l’engagement des mutualistes et des partenaires sociaux, déterminés et fiers de cotiser pour définir le niveau de soins qu’ils voulaient collectivement.

L’État semble vouloir reprendre la main, au nom de la soi-disant simplicité et l’efficacité, et surtout de la capacité qu’il s’attribue de définir l’intérêt général.

Si c’est pour reprendre les frais de fonctionnement des mutuelles pour les donner à la sécu cela aura pour première conséquence de supprimer des milliers d’emplois dans les mutuelles sans garantir une meilleure efficacité.

Or, pour la CFDT, l’État n’en a aucunement le monopole. En effet, il est soumis à de fortes tensions, notamment budgétaires, et quiconque a tenté de faire bouger un projet de loi de financement de la protection sociale (PLFSS) en a fait l’expérience.

Lorsqu’il est seul décideur, comme à l’hôpital, l’État peut conduire à l’asphyxie. Le choix gestionnaire d’attribuer la dette Covid à la Sécurité sociale afin d’alléger les finances publiques va limiter durablement ses capacités futures.

Or nous avons besoin de passer d’un système de soins à un système de santé qui permette à chacune et chacun de bénéficier de prévention et de la meilleure santé possible, y compris en vieillissant, et ce, quels que soient son travail et le lieu où elle ou il habite. Ignorer les acteurs qui le mettent en œuvre constitue une grave erreur.

La Sécurité sociale est grande ; elle n’a pas besoin de faire table rase des autres acteurs du bien commun pour le rester.

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Documents sur ce sujet :

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