Les salariés en longue maladie disposent bien de congés payés

Publié le

En droit français, les congés maladie sont considérés comme des temps de repos, ils ne donnent pas droit à des jours de vacances. Mais cette situation est contraire à la directive européenne de 2003 sur le temps de travail. Des syndicats viennent de faire condamner l’Etat. Une jurisprudence aux incidences multiples.

Les salariés en longue maladie acquièrent bien des congés payés pendant leur absence, selon un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles qui a condamné l’État pour ne pas avoir transposé correctement une législation européenne vieille de 20 ans allant dans ce sens.

Le Code du travail est catégorique. Le congé maladie ne figure pas dans la liste des temps de travail effectif énumérée dans son article L3141-5. Et puisque c’est donc un temps de repos, il ne crée pas de droit à congé payé pour l’année suivante.

La Cour administrative d’appel de Versailles dans sa décision en date du 17 juillet 2023, en a jugé autrement, ce qui va créer de la jurisprudence.

Pourquoi ? : la directive européenne n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 sur le temps de travail dit en effet l’inverse du Code du travail alors que les pouvoirs publics sont tenus de mettre en conformité le droit français avec le droit européen.

Un retard de 18 ans

Selon le code du travail français, un salarié en arrêt longue maladie – d’origine non professionnelle – n’est en effet pas considéré comme étant en période de travail effectif, sauf dispositions plus favorables au sein de l’entreprise. Il n’a pas droit aux 2,5 jours ouvrables de congés payés acquis par mois de travail effectif chez le même employeur.

Or cela s’oppose à la directive de 2003 qui garantit à tous les salariés un congé payé annuel d’au moins quatre semaines. Et selon la jurisprudence de la cour européenne de justice citée par la cour d’appel, la directive « fait obstacle à ce que les États membres limitent unilatéralement le droit au congé annuel payé conféré à tous les travailleurs en appliquant une condition d’ouverture de ce droit qui aurait pour effet d’exclure certains travailleurs ». En outre, elle « s’oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que le droit au congé annuel payé est subordonné à une période de travail effectif minimale pendant la période de référence ».

La cour d’appel estime que la France aurait dû transposer correctement cette directive depuis 2005 et que la cour de cassation le lui avait rappelé dès 2013.

Condamnation et jurisprudence :

L’Etat se voit donc condamné à verser 10.000 euros plus 1.500 euros aux dépens à chacun des trois syndicats à l’origine de la plainte.

L’arrêt vient aussi contredire deux jurisprudences de la Cour de cassation qui vont devoir changer.

  • La première concerne le cas d’un salarié qui tombe malade pendant ses vacances. La Cour de cassation avait jugé en 1996 et confirmé régulièrement depuis que ces jours de congé étaient perdus.
  • La seconde concerne les congés parentaux. La plus haute juridiction civile avait considéré en 2004 que les droits à congé qu’un salarié a acquis avant de s’arrêter pour s’occuper de ses enfants étaient perdus. Lorsqu’il reprend le travail, il se trouve donc dans la même situation que s’il était nouvellement embauché.

Mais si la décision du 17 juillet vient remettre en cause les règles applicables aux congés payés, cela ne veut pas dire qu’elles vont changer automatiquement. D’abord, il faut préciser que la référence européenne en matière de congés payés est de quatre semaines et non cinq comme en France, et que c’est sur cette base réduite que doivent être calculés les droits des salariés en cas de congé maladie et autres en application de la directive.

Ensuite, la situation n’est pas la même selon que l’employeur est privé ou public :

  • Pour les salariés du privé, tant que le code du travail n’aura pas été réécrit, la démarche va être complexe.
  • Pour les fonctionnaires, la jurisprudence sera d’application directe, ce qui veut dire que le fonctionnaire pourra exiger de son employeur le respect de la directive de 2003. Et aller devant la justice administrative s’il ne le fait pas.

– – –

Source : Sud-Ouest – Les Échos – AFP

– – – – – – – –