Pouvoir d’achat : des mesures générales indispensables !

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Les agents publics ne peuvent plus être laissés dans un système de rémunération à bout de souffle, après des années de gel quasi permanent de la valeur du point d’indice et de mesures sectorielles toujours insuffisantes.

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Les sondages, enquêtes, rapports, se succèdent, et soulignent les marques tangibles de ce que Jérôme Fourquet nomme le « délitement des services publics » (1), dont les effets sont nombreux et l’un des pires est le délitement de la société, le repli, voire les fractures aboutissant – entre autres causes – à « l’archipel français » (2).

À ce jour, nul ne sait dans quel état le gouvernement et le président de la République sortiront de plusieurs semaines de conflit sur la réforme des retraites. Mais ce qui est certain, c’est que leur indifférence à un mouvement de contestation sans précédent, par le nombre, par son organisation, et par le soutien dont il bénéficie, laissera des traces profondes dans notre démocratie, tant sociales que politiques.

Délitement au long cours et contestation inédite par sa transversalité et sa profondeur doivent impérativement déboucher sur des mesures d’ampleur. Car ce choix de société n’a rien d’inéluctable, mais exige au contraire de renouer un pacte entre les agents publics et la société pour refaire des services publics un bien commun, l’expression de nos valeurs de solidarité, et un vecteur de qualité de vie.

Un plan d’investissement dans les services publics

Si la puissance publique offre des métiers qui ont du sens, l’incapacité à offrir dans la durée, des perspectives de progression des revenus liée à l’expérience, renvoie aussi à la manière de faire Nation.

Dès lors, un plan d’investissement dans les services publics doit marquer un coup d’arrêt à la dégradation inexorable de la rémunération des serviteurs de l’intérêt général, en commençant par une mesure générale.

Les plus de cinq millions d’agents publics ne peuvent plus être laissés dans un système de rémunération à bout de souffle, après des années de gel quasi permanent de la valeur du point, et autant de mesures successives, certes positives mais insuffisantes (PPCR, Ségur de la Santé, Beauvau de la sécurité, Grenelle de l’Éducation) dont les effets sont trop rapidement gommés par la double action de l’inflation et de l’absence de mesure générale.

La question de la rémunération renvoie à la problématique du pouvoir d’achat dans un contexte d’inflation, mais aussi à la considération que les pouvoirs publics accordent aux agents publics, à leur niveau de qualification, à leurs conditions d’exercice.

Ainsi, la hausse de 3,5% de la valeur du point a été rapidement absorbée, et, à ce jour, les grilles de rémunération n’ont toujours pas fait l’objet du chantier structure, initié par la ministre Amélie de Montchalin, et dont les prémices remontent à 2021 sous le titre de « perspectives salariales ».

Aujourd’hui, où en sommes-nous ?

Tassement des grilles, et donc tassement des rémunérations (la dernière augmentation du SMIC a bénéficié à 400 000 agents publics, soit environ 8% des effectifs. Un agent de catégorie B (secrétaire administrative, technicien, auxiliaire de puériculture, …) en début de carrière a une rémunération supérieure de 14,5 euros au SMIC. Un agent de catégorie A (enseignant, cadre administratif, bibliothécaire, éducateur de jeunes enfants, …) en début de carrière a une rémunération supérieure de 179 euros au SMIC. Conséquence : un sentiment logique d’abandon et de non-reconnaissance perdure. Discours ambigu sur les mesures générales qui ne seront « ni éludées ni dissociées » du chantier structurel. Calendrier retardé pour ledit chantier, inscrit à l’agenda social (« accès, parcours, rémunérations » ou APR).

On le sait, la rémunération n’est pas le seul facteur d’attractivité, mais il est souvent primordial dans les choix que font les jeunes au moment de décider de leur voie. C’est en tous cas ce que nous ont dit les jeunes agents de la Fonction publique, interrogés dans le cadre de la série d’enquêtes « Focus » de la CFDT (3).

Les agents en place et les futurs agents publics exigent, à juste titre, des réponses à leurs attentes et mécontentements.

Il en va aussi de l’attractivité et de la qualité des services publics. Il faut donc répondre à plusieurs exigences : l’urgence liée à l’inflation, la visibilité sur les perspectives d’évolution de carrière, qu’elles soient liées à l’ancienneté, et les montées en compétences qu’elle engendre, ou liées à des prises de responsabilités et montées en qualifications.

Des mesures générales urgentes et indispensables

Rester « compétitif » sur le marché de l’emploi, dans le contexte de faible chômage actuel, exige que l’Etat et les employeurs publics acceptent de rouvrir des discussions, voire des négociations, sur des mesures générales immédiates.

Valeur du point (augmentation proportionnelle au classement indiciaire) ou ajout de points (mesure forfaitaire, donc plus favorable aux rémunérations les plus basses), mesures spécifiques « bas salaires » … La CFDT exige l’ouverture de discussions, sans attendre le début de l’été.

Des mesures structurelles à construire

Et ensuite, dans le cadre du chantier « Accès, Parcours, Rémunérations », il faudra :

  • Construire un dispositif pérenne et régulier, permettant de tenir compte des évolutions de l’inflation ; il ne s’agit pas d’indexer la valeur du point sur l’inflation qui favoriserait les rémunérations les plus élevées, mais de construire un indicateur partagé pour donner des garanties sur le pouvoir d’achat de tous les agents ;
  • Construire un dispositif pérenne et régulier ‘de prise en compte des montées en compétences liées à l’ancienneté, tout au long de la carrière ;
  • Construire un dispositif valorisant plus fortement et rapidement les montées en qualifications et responsabilités.

Évidemment, d’autres thématiques seront au cœur des exigences en faveur des agents et des politiques RH dans la Fonction publique : restreindre le recours aux parts variables (les fameuses « primes ») et les objectiver, et mieux valoriser la dimension collective du travail, devront en faire partie.

La CFDT veut une Fonction publique plus attractive, des rémunérations et des carrières plus valorisantes pour les agents, et un pouvoir d’achat qui donne à l’ensemble des agents publics, quel que soit leur statut, le pouvoir de vivre et d’agir aujourd’hui pour répondre aux enjeux auxquels nous sommes confrontés (4).

Le Gouvernement, et les employeurs publics se doivent de l’entendre ! Il en va aussi de la qualité des services et des politiques publiques qu’ils assurent à la population.

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D’après l’article initialement publié par L’UFFA-CFDT
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(1) “Le délitement des services publics semble signer notre déclin collectif”, interview de Jérôme Fourquet. Libé, 23/02/2023.
(2) J. Fourquet. L’archipel français : naissance d’une nation multiple et divisée. Paris, Le Seuil, 2019.
(3) La situation des jeunes exerçant dans l’une des trois fonctions publiques. Enquête Focus Jeunes, CFDT, 2022. Voir sur le site cfdt.fr
(4) Conférence sur les perspectives salariales de la Fonction publique. Contribution de la CFDT, mars 2022. Voir sur le site uffa.cfdt.fr

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