Rapport de la Commission d’Enquête du Sénat sur les agences
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Le rapport sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’Etat, par la commission d’enquête du Sénat, a été publié ce jeudi 3 juillet 2025. Que dit ce rapport ?
Pourquoi cette enquête ?
Le Sénat a voulu comprendre pourquoi l’action publique est devenue aussi illisible, avec ses 1000+ agences, opérateurs et comités. Trop de structures, trop peu de stratégie et beaucoup de coûts mal identifiés : c’est le constat de départ.
Les principaux constats :
- La France a créé ses agences au coup par coup, sans vraie stratégie globale.
- Ces structures étaient censées rendre l’action publique plus souple et plus efficace, mais au final, elles ont souvent créé des doublons et de la complexité.
- L’État perd la main sur ses politiques publiques, car les agences s’emparent parfois de fonctions stratégiques au lieu de rester sur l’exécution.
- Manque de transparence : coûts, effectifs et missions réels souvent mal connus, ce qui complique le pilotage et le contrôle parlementaire.
- La multiplication des agences a accentué la perte de compétences techniques dans l’administration centrale et territoriale.
- Des circuits de financement trop complexes, des logos et des communications dispersés qui rendent l’action de l’État illisible pour le citoyen.
Les recommandations fortes du rapport :
Le rapport formule une soixantaine de recommandations, dont voici les plus importantes et emblématiques :
Redonner un cap clair à l’État
- Élaborer une doctrine claire sur la création et le maintien des agences.
- Soumettre chaque agence à une seule administration de tutelle.
- Renforcer le pilotage central par les ministères, et en particulier par les secrétariats généraux.
Rationaliser et simplifier
- Évaluer tous les 5 ans la pertinence de chaque agence.
- Fusionner ou supprimer certaines agences devenues redondantes.
- Créer un moratoire sur la création de nouvelles agences sauf s’il y a gain prouvé.
- Favoriser la mutualisation des fonctions support (RH, finances, informatique).
Mieux contrôler et mieux informer
- Publier des données financières détaillées, actualisées et ouvertes (open data).
- Mettre en place une comptabilité analytique pour connaître le coût réel de chaque dispositif d’aide.
Recentrer l’action publique sur l’État
- Rendre le préfet l’interlocuteur unique au niveau local.
- Interdire aux agences de lancer directement des appels à projets locaux, ce rôle devant revenir au préfet.
- Supprimer certaines structures comme l’Agence nationale du sport ou Pass Culture, et réintégrer leurs missions aux ministères.
Clarifier la communication
- Apposer uniquement le logo de l’État, pas ceux des agences, sur tous les supports et sites web.
- Recentrer la communication au sein des ministères.
Quelques détails sur certaines agences :
La commission préconise plusieurs leviers de réforme : fusions d’agences aux compétences similaires – comme l’AFPA (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes) et les groupements d’établissements publics locaux d’enseignement (GRETA) pour la formation professionnelle – transferts de missions, et suppressions d’organismes jugés « obsolètes », comme l’Agence BIO.
Parmi les recommandations les plus marquantes figure le transfert des missions des Agences régionales de santé (ARS) vers les services déconcentrés de l’État aux niveaux régional et départemental. Autre mesure notable : recentrer l’action de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en transférant directement aux régions la gestion des crédits qu’elle distribuait jusqu’à présent.
D’autres propositions significatives : ne pas renouveler l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU, créée en 2003 par le ministre de la Ville de l’époque, Jean-Louis Borloo) une fois achevé le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) (recommandation 53). Les rapporteurs suggèrent à la place de transférer progressivement la gestion de la fin des programmes aux services des préfectures.
Il est également proposé de supprimer l’Agence nationale du sport (ANS), en maintenant ses actions au sein du ministère et de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP). Les crédits aujourd’hui gérés par l’ANS seraient alors transférés aux dotations versées directement aux collectivités territoriales.
Autre mesure : supprimer juridiquement l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) (recommandation 37), et renforcer à la place les services préfectoraux départementaux en y transférant les effectifs de l’agence.
Le CEREMA n’est pas cité dans les recommandations de suppression ou de fusion. On le retrouve toutefois dans le tableau final (voir plus loin) avec la mention « Évolution non substantielle » : son périmètre n’évoluerait pas, mais ses agents pourraient être mobilisés par les préfets de département pour des missions de maîtrise d’œuvre, selon les besoins.
Pour les Agences de l’Eau, l’Office français de la biodiversité (OFB) et les parcs nationaux (recommandation 40), il est proposé de rationaliser leur schéma de financement en prévoyant une attribution directe des crédits aux agences qui les utilisent.
Esprit global du rapport
Le rapport ne préconise pas une politique de coupes aveugles, mais plutôt une réforme cohérente et progressive, destinée à rendre l’action publique plus lisible, plus efficace et moins coûteuse.
L’objectif : recentrer l’État sur ses missions stratégiques et éviter que les agences ne deviennent des « États dans l’État ».
Sur l’économie globale attendue, le rapport sénatorial estime qu’il serait possible d’économiser environ 550 millions d’euros en rationalisant le paysage des agences et opérateurs de l’État – notamment grâce à une réduction des fonctions support – mais « à missions constantes ». Soit quatre à cinq fois moins que les montants affichés par le gouvernement et les deux ministres de Bercy.
Comme l’a précisé le président de la commission d’enquête lors de la présentation du rapport : « Au risque de décevoir ceux qui voyaient dans ce travail des milliards d’économies, vous aurez beau chercher, vous ne trouverez pas. Pas de serpe, pas de hache. »
Par CFDT-UFETAM
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Réorganisation des agences proposées par le rapport
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Pour aller plus loin :
Rapport de la Commission d’Enquête du Sénat sur les agences
L’essentiel sur la commission d’enquête sur les agences
La liste des 61 recommandations
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Pour mémoire :
Notre article du 13-02-25 : Les agences de l’État en ligne de mire
Notre article du 13-02-25 : Échaudés par les critiques, les militants de l’ADEME réagissent !
Notre article du 25-03-25 : Agences de l’Etat : le Sénat enquête
Notre article du 07-05-25 : Le gouvernement veut supprimer un tiers des opérateurs de l’État
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