Retraites : Macron « préfère » un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l’âge de départ

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Retraites : Macron « préfère » un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l’âge de départ (27-08-19)

« Rien n’est décidé », a affirmé Emmanuel Macron, lundi soir sur France 2, en évoquant l’âge pivot de 64 ans proposé par le rapport Delevoye pour inciter les Français à partir plus tard à la retraite. Il a ensuite affirmé : « Je préfère qu’on trouve un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l’âge », car avec « un accord sur la durée, si vous commencez plus tard, vous finissez plus tard, et quand vous commencez plus tôt vous partez plus tôt ».

Le Monde et Ouest-France livrent leur analyse et les conséquences possibles de ce revirement du président.

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  Article du Monde du 27 août 2019 :

Le chef de l’Etat a fait, lundi soir sur France 2, un geste d’ouverture aux syndicats opposés à la mise en place d’un âge pivot à 64 ans.

« Je préfère qu’on trouve un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l’âge. » Interrogé lundi 26 août au JT de France 2 sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron a créé la surprise sur le sujet. « Si vous avez un accord sur la durée, si vous commencez plus tard, vous finissez plus tard, et quand vous commencez plus tôt vous partez plus tôt », a-t-il développé, décrivant un fonctionnement proche de ce qui existe aujourd’hui. Avec ces quelques mots, le chef de l’Etat a semblé prendre ses distances avec l’une des principales – mais aussi l’une des plus controversées – recommandations formulées par le haut-commissaire chargé du dossier, Jean-Paul Delevoye, dans un rapport publié le 18 juillet.

Ce dernier avait en effet déclaré que, conformément à la promesse de campagne de M. Macron en 2017, l’âge légal de départ en retraite serait maintenu à 62 ans. Mais pour éviter que les assurés ne partent avec une trop faible pension et afin d’équilibrer budgétairement le système, il avait proposé qu’un âge pivot, également appelé « âge du taux plein » ou « âge d’équilibre », soit créé à 64 ans. Ceux qui décideraient de liquider leurs droits à 62 ans le pourraient toujours mais seraient pénalisés par une décote financière afin de les inciter à travailler plus longtemps. Tous les syndicats ont dit leur opposition à un tel mécanisme, y compris la CFDT (Confédération française démocratique du travail), qui refuse l’idée que cet âge soit le même pour tous. « S’il reste tel quel, ce sera niet pour la CFDT », confiait encore récemment son secrétaire général, Laurent Berger, au Monde.

« Beaucoup d’inquiétudes »

M. Macron a assuré lundi que « rien n’est décidé » – tout en affirmant sa volonté de voir le système à l’équilibre d’ici à 2025 lorsqu’il entrera en vigueur. « Sur [cette] réforme, je veux que l’on incarne le changement de méthode que j’ai souhaité », a-t-il précisé, reconnaissant qu’« il y a beaucoup d’inquiétudes » autour de ce projet qui vise à fusionner les 42 régimes actuels en un système universel. Et d’ajouter : « On va la construire tous ensemble cette réforme. »

« Ce qu’il faut comprendre, c’est que toutes les propositions de Jean-Paul Delevoye sont sur la table, dit-on dans l’entourage du président de la République. Son rapport présente deux scénarios : une référence individualisée (basée sur la durée de cotisation) ou une référence collective (basée sur un âge d’équilibre). Delevoye a indiqué préférer la seconde option, le président, lui, parle effectivement de la première. »

Alors que les partenaires sociaux doivent être reçus par Edouard Philippe les 5 et 6 septembre sur le sujet, le jeu semble plus ouvert que prévu. Pour une source proche du dossier, le message est clair : « C’est un signal envoyé à la CFDT. » Le syndicat dirigé par Laurent Berger – l’un des rares à soutenir dans son principe la mise en place d’un système universel – ne s’y est pas trompé. « C’est au moins une ouverture, se félicite Frédéric Sève, qui suit ces questions à la Confédération. En tout cas, le président de la République valide une préoccupation ancienne de la CFDT : la durée de cotisation est une meilleure référence que l’âge pour rendre justice aux situations des uns et des autres. »

Ce n’est pas pour autant la plus simple. Car la durée de cotisation, actuellement prévue pour atteindre quarante-trois ans en 2035, disparaît dans le système à points tel qu’envisagé par le gouvernement. Si le rapport Delevoye prévoyait de la faire perdurer, ce devait être limité à quelques cas précis, comme le dispositif des carrières longues. La réintroduire plus largement pourrait en revanche tourner à l’usine à gaz.

Les syndicats ne sont toutefois pas unanimes. A la Confédération générale du travail (CGT), on est plus sceptique. Interrogé par Le Parisien mardi, le secrétaire général de la confédération, Philippe Martinez, a déclaré que les propos d’Emmanuel Macron relevaient d’une simple « opération de communication qui marche très bien. » M. Martinez rappelle que le système par points qu’il qualifie de central dans la réforme n’est pas remis en cause. « Rien n’est amélioré sur le fond » pour le syndicaliste.

Dénonçant la confusion entre âge pivot, âge d’équilibre et âge légal, il estime que la question centrale de savoir « à quel âge puis-je partir à la retraite avec une pension qui me permette de vivre le plus dignement possible » est éludée. M. Martinez veut aussi croire à une mobilisation massive le 24 septembre où les revendications climatiques auront leur place.

Par Raphaëlle BESSE DESMOULIERES

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Article de Ouest-France du 27 août 2019 :

Au sortir du G7, Emmanuel Macron a créé la surprise en mettant sur la table, le dossier de la réforme des retraites. Un sujet ô combien sensible. Le chef de l’État a annoncé qu’il préférait un accord avec les partenaires sociaux sur la durée de cotisation plutôt que sur un âge pivot de départ en retraite. Mais le flou persiste.

Attention, sujet à risques. La réforme des retraites pourrait donner des sueurs froides à l’exécutif dès la rentrée. Aussi, Emmanuel Macron démine le terrain. Lundi 26 août, lors de son intervention au JT de France 2, le Président a donné « sa préférence » au sujet de la refonte du système de retraites français.

Pour « que ce soit juste en termes de cotisations […], je préfère qu’on trouve un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l’âge », a-t-il plaidé. « Car si vous avez un accord sur la durée, si vous commencez plus tard, vous finissez plus tard, et quand vous commencez plus tôt, vous partez plus tôt », a-t-il ajouté.

Age d’équilibre ou âge pivot

Jusqu’alors les porteurs de la réforme penchaient plutôt pour un départ à la retraite à un âge d’équilibre (ou pivot) à 64 ans avec surcote et décote en cas de départ retardé ou anticipé. Aujourd’hui, l’âge légal de départ en retraite est fixé à 62 ans.

Pour l’heure, « rien n’est décidé », a affirmé Emmanuel Macron. « Il y a certaines professions qui – si on fait les choses mécaniquement – seraient lésées : infirmières, aides-soignants, enseignants », a souligné le chef de l’État, selon qui « il n’y aura pas de réforme des retraites tant qu’on n’aura pas bâti une vraie transformation de ces professions. »

Problème des carrières interrompues

L’un des enjeux sera de déterminer la durée de cotisation. Aujourd’hui, les Français doivent cotiser 41,5 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Si le calcul des retraites se fait uniquement sur la durée cela peut poser deux problèmes, d’après une économiste qui a participé au conseil d’orientation des retraites.

Le premier concernera les personnes avec des carrières en pointillé. Ceux qui cumulent des petits boulots ou qui font une pause dans leur vie professionnelle pour élever des enfants devront, avec cette option, travailler plus longtemps pour percevoir une pension de retraite décente.

Dans le cas d’une personne qui aurait dû interrompre sa carrière trois ans, comment sera-t-il possible de déterminer quel montant de pension lui sera versé ? « Avec cette option, cela sous-entend une observation de la situation individu par individu et non plus un âge de départ à la retraite collectif », remarque l’économiste.

Quel âge pour le minimum vieillesse ?

L’autre problème posé par un système basé uniquement sur une durée de cotisation concernera la pension de retraite minimum. À partir de quel moment estimera-t-on qu’une personne doit la toucher s’il n’y a pas d’âge d’équilibre ? Si Mme Dupont n’a pas encore suffisamment cotisé à 67 ans mais souhaite être en retraite, comment savoir si un minimum vieillesse pourra lui être alloué ? Seul un âge d' »équilibre » pourrait déterminer le déclenchement de la pension minimum.

Beaucoup de questions auquel le gouvernement va devoir répondre dans les prochaines semaines. Emmanuel Macron a promis de « construire tous ensemble cette réforme », évoquant, « plus qu’une concertation », « une grande négociation », « un grand débat ?».

Les partenaires sociaux seront reçus à Matignon les 5 et 6 septembre. Plusieurs syndicats ont annoncé une mobilisation de leurs troupes, notamment FO le 21 septembre et la CGT le 24.

Par Marion DUBOIS