Trop peu de femmes dans les métiers du numérique

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Dans son rapport La Femme invisible dans le numérique – Le cercle vicieux du sexisme, paru le 7 novembre, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) se penche notamment sur la place des femmes dans les métiers du numérique. Ainsi, en France, seulement 29 % de femmes travaillent dans ces secteurs en 2020, où règne une forte culture sexiste. À cela s’ajoutent des écarts salariaux en défaveur des femmes : les ouvrières gagnent 10 % de moins que les ouvriers, et les cadres femmes 11 % de moins que les hommes.

Le numérique a révolutionné notre société et notre mode de vie. Derrière l’omniprésence des technologies et leurs promesses de progrès, persiste cependant une réalité alarmante : que ce soit dans les contenus diffusés ou les métiers exercés, les femmes sont sous-représentées ; invisibilisées, caricaturées ou agressées dans le premier cas, insuffisamment formées ou recrutées dans l’autre. Le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE), instance consultative indépendante placée auprès de la Première ministre, réalise face à ce constat alarmant, un rapport inédit sur les relations entre les femmes et le numérique, et formule des propositions concrètes pour résoudre les inégalités entre les femmes et les hommes et redonner aux femmes la place qu’elles méritent dans l’espace numérique. De l’invisibilisation au sexisme : il est urgent d’agir.

Unique en son genre, ce rapport étudie le paysage du numérique et la place réservée aux femmes, à la fois sous l’angle du contenu publié sur les réseaux sociaux et sous celui de la filière. Il s’agit d’analyser conjointement la représentation des femmes dans la production numérique et leur présence dans les filières académiques et professionnelles . Ce travail repose, pour la première partie du rapport, sur l’analyse des 100 contenus les plus vus sur YouTube, TikTok et lnstagram par des étudiantes du Certificat Égalité femmes-hommes et politiques publiques de Sciences Po. En complément et appui de ce travail, une quarantaine d’expert-es de tous les secteurs a été auditionnée : Éducation nationale, enseignement supérieur, reconversion, entrepreneuriat, entreprises mondiales, réseaux professionnels féminins, organismes de formations, réseaux sociaux, associations et recherche.

Ce rapport aborde la question cruciale de la responsabilité des plateformes et des réseaux sociaux dans la perpétuation des inégalités et de la violence en ligne, cherchant à mettre en lumière le rôle qu’ils jouent dans la construction des normes sociales et de la culture numérique, ainsi que les mesures potentielles pour atténuer leur impact négatif sur la participation des femmes dans le monde numérique.

Au terme de ce travail d’enquête, il apparaît clairement que les femmes sont invisibilisées, stéréotypées ou victimes de sexisme, tant sur les réseaux sociaux que dans les parcours scolaires et professionnels, ou dans la conception des algorithmes et autres outils numériques sur lesquels se base l’intelligence artificielle.

Face à la mise en lumière d’un sexisme omniprésent sur Internet, les plateformes minimisent leur responsabilité éditoriale et leur influence sur la société.

Malgré tout, pour la première fois, le vice-président de Meta pour l’Europe du Sud, Laurent Solly, et le directeur général de Google France, Sébastien Nissoffe, se disent favorables à la proposition du HCE d’évaluer annuellement le sexisme de leurs contenus les plus vus, sur la base d’un questionnaire fourni par l’Arcom.

Que faut-il en conclure ?

Ce rapport brosse un portrait alarmant de l’état actuel du monde numérique. Les femmes y sont largement sous-représentées et invisibilisées, souvent marginalisées, et même caricaturées, harcelées et agressées. Dans les contenus présents sur Internet ainsi que dans les métiers du numérique, les hommes dominent et imposent une vision masculine du monde porteuse d’une culture sexiste excluant les femmes.

Pour la première fois, ce rapport met en exergue de manière globale la mise à l’écart systémique des femmes dans le domaine du numérique en analysant à la fois leur représentation dans les contenus et leur présence dans la filière. Tous les aspects de cette industrie, de l’éducation à la conception d’algorithmes en passant par la formation des étudiantes et des enseignantes sont touchés. En analysant les causes profondes ancrées dans l’éducation, ce rapport a pour ambition de proposer des solutions à court et à long terme pour redonner aux femmes la place qu’elles méritent.

Alors même qu’il s’agit d’un secteur en pleine expansion sur lequel repose des enjeux fondamentaux pour le futur de la société, les femmes restent minoritaires et n’occupent le plus souvent que des rôles secondaires, privées de leur pouvoir de choisir et d’agir par le poids des stéréotypes. Certes, ce rapport fait état des initiatives multiples engagées depuis des années par les pouvoirs publics, les entreprises du numérique et les associations mais il fait également le constat de la lenteur inexorable des progrès accomplis et du retard accumulé par la France.

La mise en lumière d’un cercle vicieux dessinant les contours de la domination masculine dans le numérique appuie les constats précédemment établis. Le monde du numérique ne constitue pas simplement le reflet des inégalités et du sexisme, mais il en est également un moteur.

L’enrayement de ce cercle vicieux n’est possible que par la mise en œuvre rapide de mesures fortes par l’Etat. C’est pourquoi le HCE compte sur l’engagement des  pouvoirs publics, de l’Éducation nationale et des entreprises pour appliquer de manière effective les mesures proposées afin de combattre le sexisme et établir une véritable mixité dans l’espace numérique. Il y a urgence : il ne s’agit pas seulement de réparer une injustice dont les femmes sont victimes mais de mettre la France à niveau pour qu’elle montre l’exemple dans le secteur numérique.

“L’urgence à changer la donne”

« Si on constate aujourd’hui un momentum avec une prise de conscience plus forte de l’urgence à changer la donne, les résultats obtenus restent tout à fait insuffisants malgré les efforts déployés », note le HCE, qui ajoute : « Au-delà de la privation d’une réserve importante de talents et de compétences, l’absence de mixité peut entraîner des retards considérables dans les progrès technologiques et des risques certains pour la société avec la conception de produits et de solutions inadaptés à la moitié de l’humanité. »

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