Beau temps sur la CFDT-Météo

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Quand ça va mal dans une entreprise, ce sont souvent les syndicats contestataires qui moissonnent des voix. Mais à Météo-France, tandis que l’établissement est en pleine restructuration, la CFDT se porte bien. Elle est arrivée en tête à l’issue des dernières élections.

Le syndicat CFDT de Météo-France a le vent en poupe ! À la direction de la Météorologie nationale (devenue l’établissement public Météo-France en 1993), il était bien implanté depuis des dizaines d’années. Mais, en 2003, il avait disparu. En 2007, une poignée de militants – dont Lionel Althuser, devenu entre-temps secrétaire du syndicat CFDT Météo-France – décide de le faire renaître. Depuis, la liste CFDT a gagné des points à l’issue de toutes les élections professionnelles jusqu’à décrocher la première place en 2023. Lionel ne dissimule pas sa joie, mais constate une baisse du taux de participation. « Nous avons recueilli moins de votes qu’en 2018, donc un de nos objectifs pour les quatre années ans à venir sera de faire en sorte que les agents s’intéressent plus au dialogue social. »

En attendant, le résultat du scrutin les a placés en tête du nouveau CSA (Comité Social d’Administration) avec 33,5 % des voix devant Solidaires-Météo, qui chute à 26,5 %, et la CGT et FO, qui restent chacune à 20 %, comme depuis de nombreuses années. « Non seulement nous sommes passés devant Solidaires mais, en plus, nous avons creusé un écart plus grand que l’avance qu’ils avaient sur nous auparavant (32 % pour eux et 28 % pour nous). Dans certaines commissions administratives paritaires, dont celle des techniciens supérieurs de la météorologie, où nous craignions de ne pas obtenir de sièges, nous les conservons malgré le rétrécissement de ces instances. »

Toutes les catégories de personnels sont représentées

Apparemment, la recette du succès est simple. « Les gens votent pour nous s’ils ont confiance en nous », commente Lionel Althuser. Mais si l’on y regarde de plus près, on constate que c’est le fruit d’un travail de fond. En 2007, la section récoltait à peine 12 % des suffrages. La première règle que s’est fixée la CFDT de Météo-France fut donc de ne jamais pratiquer la politique de la chaise vide, en laissant « la stratégie du non systématique » à d’autres…

« Ensuite, nous sommes un syndicat qui négocie pour tout le monde, poursuit Lionel. Nous avons créé des listes représentatives avec toutes les catégories de personnels, incluant tant les techniciens que les ingénieurs mais aussi les personnels administratifs, comme nous l’avions fait en 2014 et en 2018. » Cette dernière catégorie étant rattachée à deux entités, la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile) et Météo-France, elle bénéficie d’une instance représentative à la DGAC mais pas à Météo-France. Le syndicat CFDT a pris en charge les problématiques de ces personnels. Avant les élections, il avait d’ailleurs demandé à la direction, et obtenu d’elle, la création d’un groupe de travail spécifiquement dédié à ces agents. « Une initiative qui nous a rapporté des voix. Et puis nous avions sur nos listes des gens connus dans la maison, dont un directeur régional », précise Lionel.

Une mutation qui déstabilise les agents

L’établissement connaît actuellement une véritable mutation sociologique. Sur les 2 700 agents répartis sur le territoire et outre-mer, il comptait quelque 1 000 techniciens (catégorie B) et autant d’ingénieurs (catégorie A). Bientôt, il n’y aura que 500 techniciens (climatologues, statisticiens, informaticiens, techniciens de maintenance). Les autres techniciens, les prévisionnistes (environ 500), ont été requalifiés en ingénieurs. Pour cela, certains ont déjà validé un concours – mais pas tous. Il y a donc « ceux qui font fonction d’ingénieur », précise Lionel, avec les problèmes que cela leur pose. « On leur demande de nouvelles tâches, par exemple d’informer en direct les clients (autoroutes, aéroports, médias…) mais ils n’ont pas été formés pour cela. » Autre écueil, la différence de salaire : il existe actuellement entre les ex-prévisionnistes et les ingénieurs en titre un écart de 4 000 euros (au minimum) par an.

La CFDT est en train de renégocier la prime versée aux techniciens assimilés ingénieurs (actuellement égale à 800 euros par an) censée combler ce différentiel. Enfin, la volonté de la direction de ne recruter désormais que des ingénieurs aux postes de prévisionnistes n’a pas que du bon, selon le secrétaire du syndicat. « C’est une remise en cause de l’ascenseur social qui fonctionnait jusqu’à présent. Les personnes seront intégrées avec bac + 5 tandis qu’avant il y avait la possibilité de gravir des échelons en interne. »

La recette de la proximité avec le terrain

Être proche du terrain, d’après Lionel, cela signifie repérer les sujets qui préoccupent ses collègues. Pour cela, il a fait sienne une méthode qui a fait ses preuves dans d’autres campagnes de développement. « Je vais à la rencontre des agents et je leur propose un entretien durant lequel je leur pose un certain nombre de questions prédéfinies sur leur rôle au quotidien, leurs conditions de travail, mais c’est la dernière qui est indispensable : je leur demande ce qu’ils pensent de la CFDT. Leurs réponses m’orientent immédiatement sur les suites à donner, je sais si je vais les revoir, s’ils sont sympathisants, si je peux leur proposer l’adhésion. »

Depuis 2019, le responsable syndical a déjà fait passer une centaine d’entretiens de ce type. Ce qui lui a donné une bonne photographie des attentes des agents. Au premier chef, les revendications portent sur le temps de travail. Comme les heures effectuées au-delà de 37 heures par semaine sont perdues, les agents souhaiteraient les récupérer sous forme de congés supplémentaires. La CFDT s’est positionnée sur ce sujet. « Nous sommes aussi écoutés car nous avons défendu une position mesurée à propos des astreintes, contrairement aux autres organisations syndicales, enferrées dans un refus de principe. Cela nous donne une marge pour négocier avec la direction. »

Des agents percutés par l’intelligence artificielle

La CFDT a également demandé que soit relancée une enquête sur les conditions de travail (la dernière date déjà de quelques années) afin de collecter des données actualisées. Ce sera bientôt dans les tuyaux. Car les agents sont inquiets : la direction a acté l’automatisation des postes de prévisionnistes. « Jusqu’à maintenant, il y avait un opérateur derrière chaque écran pour valider les prévisions. Les remplacer par des supercalculateurs, c’est considérer que l’ordinateur est plus compétent partout et tout le temps. Or, c’est plus compliqué que ça… À la CFDT, nous sommes convaincus qu’il y a tellement de nouveaux sujets avec le changement climatique qu’on ne peut pas se passer d’une expertise humaine, affirme Lionel. Heureusement, nous sommes désormais plus forts pour nous faire entendre. »

Par Claire Nillus (Journaliste)

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D’après l’article initialement publié par Syndicalisme-Hebdo
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