Déconcentration des administrations centrales : les axes de réforme du 1er ministre (projet de circulaire)

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Déconcentration des administrations centrales : les axes de réforme du 1er ministre (AEF – 20 mai 2019)

Renforcer l’efficacité des administrations centrales ; réduire le nombre de commissions ; délocaliser en région certaines fonctions ou missions ; « aller le plus loin possible en matière de déconcentration » ; améliorer le fonctionnement du travail interministériel ; revoir l’usage des circulaires ; mieux suivre l’impact des réformes. Dans un projet de circulaire, Édouard Philippe détaille les axes de la réforme des administrations centrales qui doit être menée en lien avec celle de l’administration territoriale de l’État. Les ministres ont jusqu’au 15 juin pour lui soumettre leurs propositions.

Dix mois après les circulaires du 24 juillet 2018 précisant ses souhaits d’orientation en matière respectivement de réorganisation territoriale de l’État et la déconcentration des administrations centrales, le Premier ministre livre ses arbitrages avant de les rendre publics courant juin comme annoncé fin avril à l’issue d’un séminaire gouvernemental.

Les deux réformes étant intimement liées, il s’apprête à adresser deux nouvelles circulaires détaillant ses décisions. La première (voir ici), fondée sur les propositions qu’il avait demandées aux préfets et dévoilée le 16 mai 2019 par AEF info, précise la mise en œuvre de la réforme des services déconcentrés. La seconde présente aux membres de son gouvernement les axes de réformes qu’il a dégagés sur la base des propositions de transformation que ceux-ci ont transmises, propositions qui s’inscrivent dans le cadre des plans ministériels du programme Action publique 2022 et qui ont été instruites par la DITP (Direction interministérielle de la transformation publique) et une mission inter-inspections.

Les axes de réforme

Renforcer l’efficacité des administrations centrales

Pour « s’adapter plus aisément et rapidement aux priorités des plans de transformation ministériels et à leur réalisation », les travaux de réorganisation des administrations centrales « doivent viser une plus grande proximité et une efficacité renforcée de l’action publique ». « À cette fin, des réflexions doivent être menées dans chaque direction pour tirer les conséquences des évolutions à venir de l’organisation territoriale de l’État, réduire les échelons hiérarchiques, diminuer le poids des activités récurrentes […] afin de libérer des ressources pour la conduite de projets prioritaires et notamment de ceux [des] plans de transformation », indique le Premier ministre.

Rationaliser les doublons
Devront être notamment traités les cas de doublons, « notamment entre les fonctions supports des directions et les secrétariats généraux des ministères, entre les différentes directions ‘métier’ d’un même ministère ou de plusieurs ministères » en vue de rationaliser des politiques interministérielles et « entre directions et opérateurs ». Les secrétariats généraux et les directeurs d’administration centrale bénéficieront d’une certaine liberté pour fixer leur organigramme, l’objectif étant de « réduire le nombre d’échelons hiérarchiques » et de constituer des équipes projets. Ces organigrammes devront être rendus publics. Le SGG, la DGAFP et la direction du Budget doivent préparer les évolutions réglementaires et définir « les nouveaux modes d’organisation traduisant ces changements pour le 15 juin ».

Réduire les effectifs
À cet égard, le Premier ministre alerte les ministres sur le fait que ces évolutions « ne devront pas s’accompagner d’une augmentation du nombre total des emplois d’encadrement de direction » et « devront conduire à une baisse des effectifs totaux en administration centrale qui devra être documentée dans le budget 2020-2022 ». Les premières propositions de réorganisation et le calendrier de travail devront, eux aussi, être transmis pour le 15 juin.

Réduire le nombre d’instances et de commissions

Supprimer les structures de moins de 100 ETP
Afin de simplifier le paysage administratif, les ministres sont invités à « réduire substantiellement » le nombre d’agences et d’opérateurs qui leur sont rattachés. Ceux-ci sont aujourd’hui près de 1 200 (486 opérateurs et environ 700 organismes d’administration centrale, sans compter les entités de type délégations et commissariats). Le maintien des structures de moins de 100 ETP devra être justifié. Les propositions de suppression et de regroupement devront être soumises pour le 15 juin.

Règle du « un pour un »
En parallèle, comme voulu par le président de la République, les organismes consultatifs seront également rationalisés. Dans le cadre de la rénovation du Cese, des propositions « utiles » de rénovation des modalités de consultation de ces organismes devront être faites d’ici à l’été. Par ailleurs, « à partir du 1er juin », les administrations centrales ne pourront créer de nouvelles structures qu’en en supprimant ou en en fusionnant d’autres déjà existantes dans le même champ ministériel, quelles qu’elles soient (agence, opérateur…).

Rapprocher les administrations des territoires

Délocalisation de fonctions ou missions en région
Pour plus de proximité et de « rééquilibrage des forces économiques et institutionnelles de la région parisienne vers les territoires », certaines fonctions ou missions devront être « intégralement délocalisées en région ». Les écoles de formation devront elles aussi, « dans la mesure du possible, être incluses » dans ces délocalisations. Selon le Premier ministre, ces délocalisations « permettront à certains agents publics volontaires de bénéficier de conditions de vie plus favorables ». Les ministres devront faire « au moins deux propositions de délocalisations de services, agences, opérateurs ou directions supports » pour le 25 juin.

Début mai, le ministre de l’Action et des Comptes publics avait dévoilé son propre plan en déclarant son intention de « proposer au Premier ministre de déplacer des services de la Direction générale des finances publiques, soit environ 3 000 agents, en région et notamment en ruralité » d’ici à 2022.

Mieux associer les citoyens à la conception des politiques publiques
Édouard Philippe livrera prochainement ses orientations sur ce point. D’ici là, il demande à son gouvernement de lui soumettre des propositions « de mesures concrètes en la matière » pour le 15 juin, propositions qui seront synthétisées par la DITP.

Mieux associer les services déconcentrés à l’élaboration de la norme
Estimant que la prise en compte par les administrations centrales – prévue par la charte de déconcentration du 7 mai 2015 – de l’impact d’une réglementation nouvelle sur l’organisation et le fonctionnement des services de l’État « a été mise en place de manière lourde, lente et inefficace », le chef du gouvernement souhaite opter pour un « dispositif plus souple et efficace ».

Pour cela, les fiches d’impact de tout projet d’acte réglementaire prévues depuis 2015 dans le cadre de l’évaluation préalable des normes devront être remplies « avec une plus grande exhaustivité s’agissant de la prise en compte des effets des réglementations nouvelles sur l’organisation et les moyens déconcentrés ».

Aller plus loin en matière de déconcentration

Arrêter les mesures de déconcentration et fixer leur calendrier
À ce jour, la revue des actes réglementaires de portée locale et des décisions administratives individuelles demandées aux ministres sont encore en cours de finalisation et doivent faire l’objet d’un relevé de décisions au sein de chaque ministère. Mais souhaitant passer à la vitesse supérieure, Édouard Philippe, qui attend des « propositions très ambitieuses » insiste sur la nécessité d’arrêter désormais « toutes ces mesures de déconcentration et fixer le calendrier de réalisation ».

À la fin de l’année, ne devront subsister des décisions administrations individuelles que « de manière très résiduelle » en administration centrale. En effet, « les particuliers comme les entreprises doivent pouvoir voir traiter leur demande dans la meilleure proximité et non en administration centrale », estime-t-il. La liste « des textes et actions à mener pour opérer ces déconcentrations » et le calendrier de réalisation devront lui être transmis pour le 1er juin en vue d’une entrée en vigueur « au plus tard le 1er janvier 2020 ».

Poursuivre la déconcentration des décisions RH
Le projet de circulaire demande par ailleurs aux membres du gouvernement de « poursuivre les travaux engagés » avec la DITP en matière de déconcentration financière et de décisions de ressources humaines. Le ministère de l’Action et des Comptes publics doit proposer à cet égard un plan de simplification et les autres ministres leurs propositions de rénovation de gestion d’ici au 1er juin.

Améliorer le fonctionnement du travail interministériel

Développer la coopération entre administrations
Le Premier ministre souhaitant plus de « fluidité et de rapidité » en la matière, il veut responsabiliser davantage les directeurs d’administration centrale. Dans cette perspective, les ministres doivent établir le bilan des « nouvelles pratiques de travail mises en œuvre et des améliorations possibles », l’objectif étant de lister pour le second semestre 2019 les bonnes pratiques à même d' »inspirer l’ensemble des ministères ».

Édouard Philippe plaide également pour le développement d’une « culture de coopération entre les administrations concernées par chaque projet » via l’implication des directeurs d’administration centrale et insiste sur l’importance d’échanges préalables entre les services avant toute demande d’arbitrage de sa part. Ce travail de coopération doit à terme permettre de « réduire le nombre de réunions interministérielles ».

Mieux encadrer les règles du travail interministériel
À cette fin, il est demandé au SGG et à Matignon de veiller au respect d’une série de règles parmi lesquelles les réunions interministérielles ne doivent être convoquées que pour prendre des décisions et donner lieur à la diffusion d’un compte rendu listant ces décisions.

Encadrer et revoir l’usage des circulaires

Dans le cadre de la poursuite de la réduction du nombre de circulaires, la mise à jour de leur base décidée en février 2018 a conduit au retrait de 65 % du stock des circulaires adressées par les administrations centrales aux services déconcentrés, se félicite le Premier ministre. Toutefois, pointe-t-il, leur usage par les administrations centrales n’a pas évolué, plus de 1 300 circulaires ayant été ainsi diffusées en 2018 (1). Un flux jugé « beaucoup trop important » d’autant que celles signées personnellement par les ministres sont peu nombreuses.

Édouard Philippe souhaite donc que désormais l’organisation et le fonctionnement des services « ne doivent faire l’objet de circulaires qu’à titre exceptionnel, sur les priorités d’action du ministère ». Par ailleurs, les circulaires d’interprétation de la norme seront remplacées par la mise à disposition d’une documentation sur les sites internet des ministères. Enfin, l’usage des circulaires, qui seront signées par les ministres, devra « être recentré exclusivement sur l’accompagnement, le suivi et l’exécution des réformes » et « inclure nécessairement la fixation d’objectifs, la définition d’indicateurs utiles et des calendriers d’exécution ». Un « compteur des circulaires » diffusé chaque année par les ministères sera rendu public.

Mieux suivre l’impact des réformes

Le Premier ministre demande aux membres du gouvernement de veiller à l’exécution des réformes de leurs plans ministériels respectifs. Il leur est demandé d’identifier et de renseigner régulièrement, pour chaque réforme, les indicateurs d’avancement et d’impact. Ils devront également assortir chaque projet de loi de « cinq indicateurs d’impact » permettant de « mesurer de manière efficace l’atteinte des résultats de [leurs] politiques publiques », indicateurs qui feront l’objet d’une présentation en Conseil des ministres en même que le projet de loi auquel ils se rapportent, dès ce mois-ci. Leur suivi sera assuré par la DITP.

(1) elles portent à 38 % sur l’organisation et le fonctionnement des services, à 33 % sur l’interprétation des normes et à 9 seulement % sur la mise en œuvre des politiques publiques.

 

Voir aussi l’article « une réforme d’ampleur se profile dans les services territoriaux de l’Etat«