Haute fonction publique : le rapport Thiriez « officiellement » disponible

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Haute fonction publique : le rapport Thiriez « officiellement » disponible (18-02-20)

Après des mois de tergiversations, le rapport de Frédéric Thiriez sur la haute fonction publique a été officiellement remis au premier ministre, Edouard Philippe, ce mardi 18 février.

En réalité, l’énarque, avocat et ancien président de la Ligue de football professionnel, missionné il y a neuf mois, a remis le document par courriel dès le 24 janvier. Il en a même fait porter, le 11 février, une version imprimée et brochée, accompagnée d’un courrier, à Emmanuel Macron et à M. Philippe. Matignon affirmait cependant encore, la semaine dernière, attendre impatiemment le rapport Thiriez …

Les propositions du rapport Thiriez sur la réforme de l’ENA : Fin du classement de sortie, enterrement de l’épreuve de culture générale, concours «spécial» au nom de l’égalité des chances … Les contours de la (peut-être) future réforme sont enfin sur la place publique.

Acteurs Publics produit 2 articles sur le sujet :

  • Comment le rapport Thiriez prône l’affaiblissement du système des grands corps de l’État (par Pierre Laberrondo)
  • Rapport Thiriez : des écoles mises en synergie et chamboulées par un “concours spécial égalité des chances” (par Bastien Scordia)

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Comment le rapport Thiriez prône l’affaiblissement du système des grands corps de l’État (Acteurs Publics – 18-02-20)

Par Pierre Laberrondo

Dans son rapport, publié le 18 février, l’avocat Frédéric Thiriez différencie le traitement réservé à l’inspection générale des Finances (sacrifiée en tant que corps et fusionnée avec d’autres services) de celui réservé à la Cour des comptes et au Conseil d’État, ménagés en ce qu’il est proposé pour eux deux options.

Copie assez conforme. Le rapport de réflexion sur la haute fonction publique remis ce 18 février par l’avocat et ancien membre du Conseil d’État Frédéric Thiriez est globalement dans la ligne de la commande présidentielle [cliquez ici pour le télécharger]. Pour rappel, lors sa conférence de presse post-“gilets jaunes” du 25 avril dernier, le chef de l’État, Emmanuel Macron, avait souhaité mettre “fin aux grands corps” et supprimer l’École nationale d’administration (ENA).

Le rapport de Frédéric Thiriez, écrit en 60 pages dans un style très direct assez différent de celui des rapports traditionnels, affaiblit le système des grands corps, sans que l’on puisse conclure à ce stade qu’il engage à y mettre fin, compte tenu des ambiguïtés qu’il comporte. Le rapport a été rédigé avec Florence Méaux, déléguée aux cadres dirigeants de l’État, et Catherine Lagneau, directrice adjointe de l’École des mines de Paris.

Au centre du rapport, donc, le sort à réserver au Conseil d’État, à la Cour des comptes et à l’inspection générale des Finances, qui ont un point commun : ils recrutent parmi les 15 meilleurs élèves de chaque promotion de l’ENA. “La sortie possible dans la « botte » garantit aux heureux élus (12 ou 15 sur 80 selon les années), sinon une carrière forcément plus brillante que les autres, du moins un titre prestigieux et un parcours plus varié et plus mobile, et ce sur la base d’une simple note chiffrée dont la pertinence peut être discutée. C’est la « rente à vie » si souvent dénoncée”, écrit Frédéric Thiriez, avant d’enfoncer le clou et d’aborder, avec des mots choisis, le nœud du problème : “Dans la procédure de sortie actuelle, rien ne garantit à l’employeur que les nouveaux arrivants, brillants par hypothèse, ont un goût ou un talent particulier pour les misions juridictionnelles ou d’inspection. Leur choix est davantage guidé par des considérations de prestige.”

Dans son analyse, l’avocat et ancien président de la Ligue de football professionnel (LFP) différencie le traitement réservé à l’inspection des Finances (sacrifiée en tant que corps et service) de celui réservé à la Cour des comptes et au Conseil d’État, clairement ménagés en ce qu’il est proposé pour eux une alternative très politique : fromage ou dessert.

Une approche très prudente pour le Conseil d’État et la Cour des comptes. Pour les deux corps juridictionnels, Frédéric Thiriez défend une approche très prudente. Une prudence à la fois liée à des considérations politiques (la force du Conseil d’État et de la Cour des comptes, très opposés à une réforme d’ampleur et très bien introduits au sommet de l’État, en particulier à Matignon) et juridiques (leur statut reste très encadré au plan de la Constitution et de certaines conventions internationales). Frédéric Thiriez l’écrit sans ambages : “En raison du caractère sensible du sujet, la mission a envisagé deux propositions alternatives, selon que les postes correspondants demeurent, ou non, proposés à la sortie” de la nouvelle école.

Deux scénarios sont donc proposés. L’avocat déroule d’abord ce qui constitue son idée initiale : la suppression de l’accès direct et la transformation de ces corps en corps de débouchés. Après quatre ans de services, les administrateurs civils recrutés dans la future ENA pourraient se porter candidats aux postes ouverts dans les deux corps concernés, avec une sélection opérée par un jury composé de membres du corps, en minorité, et de personnalités qualifiées. Il serait présidé par une personnalité indépendante, non membre du corps. L’auditorat étant supprimé, les candidats reçus seraient titularisés au deuxième grade (maître des requêtes, conseiller référendaire). Si cette option devait être in fine retenue par Emmanuel Macron, le délai de quatre ans entre la sortie de l’école et l’entrée dans ces grands corps ferait sûrement débat. “Je ne suis pas sûr que les cinq ans que vous proposez soient suffisants”, avait par exemple répondu, le 5 mai 2019, lors du débat au Parlement sur la loi de transformation de la fonction publique, le secrétaire d’État Olivier Dussopt en réponse à Olivier Marleix, député LR et auteur d’un amendement en ce sens.

La deuxième option suggérée par Frédéric Thiriez, qui tend donc à ménager davantage la Cour des comptes et le Conseil d’État, viserait à leur conserver un accès direct depuis la future école, mais la prise de fonction des nouveaux arrivants serait différée à deux ans. Et pour entretenir l’idée que rien n’est acquis pour les “heureux élus”, ils ne seraient théoriquement titularisables qu’au bout des quatre ou cinq premières années de fonctions, après examen de leurs aptitudes et de leur manière de servir. À défaut, ils seraient affectés par le Premier ministre dans une autre administration, et les corps concernés seraient autorisés à pourvoir les postes vacants.

Ils seraient donc non titularisés sur décision des instances représentatives propres à chaque corps (Commission supérieure, Conseil supérieur), mais maintenus dans la fonction publique. Une situation assez baroque au regard du statut de la fonction publique, dont l’une des pierres angulaires reste quand même la perte du statut en cas de refus de titularisation… “Un tel dispositif a paru à la mission constituer un compromis raisonnable entre les exigences contradictoires visant à remédier aux défauts du « système des grands corps », tout en préservant l’attractivité des concours et le brassage des générations”, conclut le rapport sur ce point, avant de passer à un autre chapitre. Quelle que soit l’option retenue, Frédéric Thiriez propose une autre mesure pour lutter contre le phénomène de “rente à vie” : l’accès au grade sommital de chaque corps (conseiller d’État, conseiller-maître) ne serait plus acquis automatiquement à l’ancienneté, mais conditionné à l’accomplissement d’une période de mobilité de trois ans sur un poste opérationnel à niveau de responsabilité. Une mesure assez soutenable pour les grands corps, dont les membres sont en général très mobiles au plan professionnel.

La suppression des corps IGF, Igas, IGA. Il est proposé que les trois inspections qui recrutent à la sortie de l’ENA – et dont l’IGF reste le plus prestigieux – n’embauchent, non seulement, plus directement, mais entrent dans une logique nouvelle dite de fonctionnalisation. Les membres des inspections seraient recrutés par la voie du détachement à différents stades de la carrière pour une durée déterminée, parmi les fonctionnaires de catégorie A ayant l’expérience requise (au moins quatre ans d’ancienneté pour l’emploi d’inspecteur et pour une durée de sept ans maximum ; au moins vingt ans d’ancienneté pour l’emploi d’inspecteur général, pour une durée de dix ans maximum). Sans l’écrire noir sur blanc, Frédéric Thiriez imagine la fin de ces corps d’inspection, tout en laissant subsister leurs services, qui permettent d’organiser le travail et sont, au passage, invités à fusionner en une seule inspection (un seul service).

Exit donc, entre autres, l’IGF, la grande sacrifiée de l’affaire et la maison historique du Président Macron, ce qui n’est pas un détail en termes de communication. L’IGF jouit en effet d’une image des plus contrastées dans l’opinion – pour employer un euphémisme –, notamment du fait des rapports qu’il entretient depuis des décennies avec les milieux financiers, dans lesquels ses membres vont régulièrement pantoufler. Il n’y aurait, dès lors, plus de critiques à formuler, puisque l’extinction du corps ferait disparaître le statut du membre. L’IGF, l’inspection générale des Affaires sociales (Igas) et celle de l’Administration (IGA), place Beauvau, seraient fusionnés en un seul service, mais uniquement accessible en détachement, sur le modèle de l’inspection générale de la Justice créée en 2017. À la lecture du rapport Thiriez, on comprend que ces propositions ont suscité un tollé chez les corps d’inspection, qui ont mis en avant deux arguments : cette logique d’emplois fonctionnels compromettrait l’indépendance de jugement de leurs membres et donc leur objectivité, notamment au moment de faire face à leurs ministres de tutelle. Ce modèle impacterait aussi négativement, selon eux, le processus d’apprentissage des compétences. Que nenni, pour Frédéric Thiriez, qui juge que le premier argument ne tient pas et prend l’exemple de l’inspection générale de la Justice, laquelle présente cependant une spécificité : elle s’appuie sur une loi de 2016 qui donne des garanties supplémentaires pour l’exercice de ces fonctions. À terme, cette fonctionnalisation aurait vocation à passer à l’échelle. Ce big bang sociologique des inspections qui ne dit pas son nom, s’il avait lieu, aurait sans doute d’autres conséquences qui pourraient aller loin, jusqu’à la définition des missions (contrôle, audit, évaluation, etc.).

La fin du classement de sortie. Mais pour mettre fin aux grands corps, Frédéric Thiriez va au bout de la logique et dynamite leur principal soubassement : le classement de sortie de l’ENA élaboré à l’issue de la formation initiale et qui, depuis 1945, établit une hiérarchie implicite en classant autant les corps d’accueil que les élèves eux-mêmes. Un instrument de domination des grands corps, faussement méritocratique et qui pollue la scolarité, accusent ses détracteurs, nichés au cœur des anciennes promotions de l’ENA.

Il n’y aura donc pas de classement dans la future école telle que l’imagine l’avocat Thiriez. Nicolas Sarkozy l’avait tenté en 2008. Emmanuel Macron est mis au défi, dix ans plus tard, de remettre l’ouvrage sur le métier. Comme s’il savait que cette proposition allait être fortement pilonnée, Frédéric Thiriez attaque fort. “Le classement de sortie, tradition hexagonale qui demeure en vigueur dans quelques écoles de service public seulement, est un archaïsme dont le maintien ne s’explique que par la facilité”, juge-t-il en critiquant l’obsession du classement lors de la scolarité et son absence de garantie concernant l’adaptation des profils des candidats aux besoins des administrations employeuses. Un très vieux sujet de débat.

Pour en sortir, l’avocat exclut d’emblée de substituer au classement de sortie le classement d’entrée, au motif, notamment, que cette solution ne tient pas compte des efforts accomplis en cours de scolarité et qu’elle ne garantit pas l’adéquation du profil aux postes. Pour bâtir une procédure de sortie évitant les risques de cooptation ou de favoritisme, Frédéric Thiriez s’inspire de la procédure qui régit déjà l’affectation des 30 administrateurs civils recrutés chaque année au tour extérieur. Le choix des postes à la sortie, pour les corps recrutés aujourd’hui par l’ENA, se ferait par “rapprochement des vœux des élèves et des souhaits des administrations, éclairés par la « dominante » choisie par l’élève en début de scolarité (juridique, économique et financier, international, territorial, social) et par les notes obtenues pendant la scolarité”. Pour trancher les cas litigieux, une commission “de suivi” composée de personnalités qualifiées (qui existe déjà) serait appelée à arbitrer. “Sur un plan pratique d’ailleurs, l’introduction souhaitée par la mission de dominantes pendant la scolarité (juridique, économique et financier, international, social, territorial) rend presque impossible un quelconque classement général de sortie”, note Frédéric Thiriez, en relevant qu’un tel classement est d’ailleurs exclu pour les ingénieurs. Reste à savoir comment ce nouveau système absorberait une spécificité perçue comme assez sensible dans la haute fonction publique : le différentiel de niveau des candidats issus des concours externes et internes, souvent souligné et que le classement de sortie permettait de mettre sous cloche. De fait, le rang moyen de sortie des internes n’est aujourd’hui pas le même que celui des externes.

La communication floue du gouvernement. Au final, Frédéric Thiriez propose des réformes majeures qui ne le conduisent toutefois pas à trancher sur la vocation pédagogique de la future école, laquelle restera toujours ballottée, comme depuis 1945, entre recrutement de fonctionnaires (soumis au politique) et de magistrats indépendants de l’État (de chambres régionales des comptes et de tribunaux administratifs). Si le rapport Thiriez se veut globalement clair, la communication de Matignon déployée lors de sa remise officielle apparaît nettement plus floue.

Dans un communiqué, les services du Premier ministre ont esquissé quelques premières décisions que les ministres Jean-Michel Blanquer (Éducation nationale), Frédérique Vidal (Enseignement supérieur) et Olivier Dussopt (Fonction publique) sont chargés de présenter d’ici fin avril. S’agissant des grands corps, le communiqué indique que “la fin de la titularisation et de l’avancement automatiques dans les grands corps seront désormais conditionnés à la réalisation réussie d’un temps d’apprentissage dans le corps et de missions de terrain en administration active. Ces corps seront parallèlement davantage ouverts à la promotion interne des cadres des administrations”. Le flou communicationnel peut laisser penser que le gouvernement pourrait être tenté de reprendre, concernant les corps juridictionnels, l’“option 2”, celle d’un maintien de l’accès direct depuis l’école, mais avec une prise de fonction différée. Nul doute que la bataille va continuer d’être homérique, en coulisses, jusqu’à fin avril.

Par Pierre Laberrondo

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Rapport Thiriez : des écoles mises en synergie et chamboulées par un “concours spécial égalité des chances” (Acteurs Publics – 18-02-20)

Tronc commun de six mois, remplacement de l’École nationale d’administration par une “grande école d’administration publique”, concours unique pour l’ensemble des écoles administratives, création d’un concours spécial “égalité des chances”, nouvelle voie d’accès professionnelle… Passage en revue des principales propositions du rapport de la mission de Frédéric Thiriez sur la haute fonction publique, remis mardi 18 février au Premier ministre.

Décloisonner la haute fonction publique, diversifier le recrutement des hauts fonctionnaires et revoir leur formation initiale. Ce sont les grands axes des propositions de la mission pilotée par l’avocat et conseiller d’État Frédéric Thiriez sur la haute fonction publique, dont le rapport a été remis au Premier ministre mardi 18 février [cliquez ici pour télécharger ce rapport].

La mission Thiriez dresse tout d’abord un constat “sévère” de la situation dans les grandes écoles du secteur public. Sévère, “mais qu’elle croit lucide” : “une diversité très insuffisante” avec une surreprésentation des classes supérieures notamment ou “une baisse d’attractivité inquiétante des carrières publiques se traduisant par l’érosion du nombre de candidats aux concours”.

Elle relève aussi une multiplication des grandes écoles de service public depuis la création de l’École nationale d’administration (ENA), “qui nuit à l’émergence d’une culture commune chez les grands serviteurs de l’État” et “qui, ajoutée à l’émiettement des corps et au silotage des ministères, favorise un corporatisme funeste et nourrit l’ignorance, voire le mépris des uns et des autres”. Outre l’ENA, les cadres du secteur public sont en effet formés au sein de l’Institut national des études territoriales (Inet), de l’École des hautes études en santé publique (EHESP), de l’École nationale supérieure de sécurité sociale (EN3S), de l’École nationale de la magistrature (ENM), de l’École nationale supérieure de police (ENSP), de l’École nationale d’administration pénitentiaire (Enap)…

Tronc commun

Mais plutôt qu’une restructuration complète des écoles, la mission a “préféré” proposer une “restructuration de la scolarité fondée sur la distinction” entre un tronc commun de formation initiale d’une durée de six mois applicable à tous “dès leur admission au concours”, suivi de l’école d’application “propre à chaque métier”.

“Organisée par un groupement d’intérêt public (GIP) regroupant toutes les écoles concernées”, cette formation initiale d’une durée prévue de six mois comprendrait trois semaines de préparation militaire supérieure “permettant de découvrir l’organisation de la défense, ses enjeux et de recevoir une formation à la sécurité”, trois semaines consacrées à l’encadrement des jeunes du service national universel, quatre mois de stage opérationnel et deux semaines d’enseignements sous forme de travaux en groupes “portant sur les institutions publiques nationales et européennes, l’organisation administrative et judiciaire de l’État, la déontologie, le management et le leadership, la gestion des ressources humaines”.

L’ENA remplacée par l’EAP

Si une “grande” réorganisation “de façade” a été écartée, une nouvelle organisation des écoles de service public est malgré tout défendue par la mission Thiriez. Celle-ci estime notamment “pertinent” de regrouper au sein d’une seule et même école les cadres supérieurs de santé et de la Sécurité sociale – via la fusion de l’EN3S et de l’EHESP – “afin d’accroître l’attractivité de ce secteur et ouvrir des perspectives plus vastes aux élèves” mais aussi de confier à l’Inet la formation des administrateurs de la ville de Paris “pour mettre fin à une anomalie historique”.

Enfin, et c’est certainement l’une des propositions les plus importantes, la mission recommande de remplacer l’ENA par une “nouvelle École d’administration publique (EAP)”. Une école d’application commune aux administrateurs et ingénieurs de l’État.

Les 4 corps techniques englobés

Cette école accueillerait ainsi en formation initiale les élèves de l’ex-ENA et les ingénieurs des 4 corps techniques (Mines, Ipef, armement, Insee). “Tous les hauts cadres de la Nation, qu’ils soient administratifs ou techniques, seraient ainsi formés dans le même creuset, pour une partie de leur scolarité initiale”, souligne le rapport.

Deux configurations différentes de l’EAP ont été étudiées par la mission. Tout d’abord, un établissement d’enseignement supérieur et de recherche “associé à une université de rang mondial” qui mettrait en œuvre la formation initiale des administrateurs et ingénieurs de l’État et pourrait délivrer des diplômes jusqu’au doctorat.

Ensuite, une “académie interne à l’administration” où l’EAP serait “une école plate-forme” sur le modèle de l’École normale supérieure (ENS), “qui va chercher les enseignements dans les établissements d’enseignement supérieur existants et se dote de capacités d’accompagnement des élèves plutôt que de capacités propres d’enseignement”.

Épreuves communes

Outre la formation des futurs hauts fonctionnaires, c’est leur mode de recrutement qui est interrogé par la mission Thiriez. D’où, pour “diversifier” la haute fonction publique, une série de propositions visant à transformer les concours d’accès aux écoles de service public.

S’agissant des concours “étudiant”, la mission a exclu l’idée d’un concours unique pour l’ensemble des écoles du service public, étant donné que “la pluralité des concours permet d’élargir le vivier des candidats possibles, et d’assurer ainsi la diversité du recrutement”.

“En revanche, les concours d’entrée dans plusieurs écoles (ENA, Inet, EHESP, ENM, ENSP…) testent les mêmes connaissances et comportent des épreuves de même nature. L’organisation actuelle des concours d’entrée implique pour les candidats la nécessité de repasser des épreuves identiques dans un calendrier qui n’est pas coordonné selon les différents concours”, souligne la mission. Elle propose donc, à l’instar des concours communs des écoles d’ingénieurs (le concours Polytechnique-ENS, le concours commun Mines-Ponts ou le concours de Centrale-Supélec), de créer une “banque d’épreuves communes”.

Concours spécial “égalité des chances”

“Marquant le socle commun de compétences des hauts fonctionnaires, ces épreuves pourraient être affectées d’un coefficient différent selon les écoles, lesquelles organiseraient des épreuves complémentaires pour tester les connaissances spécifiques requises par les métiers auxquels prépare chacune d’entre elles”, est-il précisé dans le rapport. En plus d’“accroître le vivier des candidats à chaque concours”, cette réforme contribuerait aussi “à réaliser des économies d’échelle”.

La mission propose également d’ouvrir une voie d’accès spécifique intitulée “égalité des chances” pour l’ensemble des écoles, distincte des actuels concours externes. Un concours externe “spécial” serait ainsi institué pour les élèves sortis des classes préparatoires “égalité des chances” (CPE).

Le rapport propose en effet de rebaptiser “CPE” les actuelles classes préparatoires intégrées (CPI) et d’en créer 20 nouvelles. “Fût-ce à titre expérimental, cette réforme devrait être tentée afin d’obtenir des résultats à court terme sur le plan de la diversité et de la mixité”, souligne la mission.

En tout cas, la piste de la création d’un tel concours “spécial” ne semble pas avoir encore retenu l’attention du gouvernement. Dans un communiqué publié à l’issue de la remise du rapport de la mission Thiriez, Matignon dit uniquement travailler à l’intégration “systématique d’un quota de boursiers dans l’ensemble des masters et classes préparatoires aux grandes écoles de la fonction publique”.

Nouvelle voie professionnelle

Autre proposition forte du rapport : la création d’un concours professionnel unique. Une nouvelle “voie professionnelle” qui se substituerait aux actuels concours interne, troisième concours, tour extérieur des administrateurs civils, conseillers de tribunal administratif et sous-préfets, ainsi qu’aux voies parallèles d’accès à la magistrature par intégration.

Comme l’explique la mission Thiriez, cette voie professionnelle donnerait directement accès à l’école d’application correspondante, sans passer par le tronc commun, “d’où un gain appréciable d’une année”. Ce nouveau concours reposerait sur 3 éléments (l’analyse du dossier professionnel, un écrit et un oral) et serait ouvert à tous ceux “qui justifient d’un diplôme de niveau licence et d’au moins six ans d’expérience professionnelle (privée ou publique) sans condition d’âge”.

Par Bastien Scordia

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