Accès des jeunes aux emplois de l’État : ce qu’il faut retenir du rapport de la Cour des comptes

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La Cour des comptes a publié un rapport consacré à l’accès des jeunes aux emplois de l’État. Le constat est clair : si les jeunes restent attachés aux valeurs du service public, ils sont de moins en moins attirés par les conditions d’exercice, les modes de management ou encore les modalités de recrutement. Un sujet qui touche directement nos ministères et interroge l’avenir de l’attractivité publique. Voici les points essentiels à retenir.

Des valeurs toujours partagées… mais une image qui se brouille

Le rapport souligne que les jeunes souhaitent s’engager pour l’intérêt général. Plus d’un quart des moins de 30 ans déclarent vouloir agir sur la société à travers leur travail, davantage que le reste de la population active.
Pour autant, l’État n’est pas toujours perçu comme l’employeur capable de répondre à cette aspiration. Les représentations restent parfois éloignées de la réalité : concours jugés opaques, mobilité imposée, rémunérations difficiles à négocier, image managériale très verticale…

Dans certains ministères plus exposés — Éducation nationale, Armées, Intérieur — la charge de travail et les contraintes de service accentuent cette perception.

Équilibre vie pro / vie perso : un atout mal valorisé

Le rapport estime que l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle n’apparaît pas comme un point fort de la fonction publique aux yeux des jeunes. Une conclusion qui peut surprendre tant certaines administrations offrent pourtant des cadres de travail stables.
Du côté CFDT, on note que cet atout n’est pas assez mis en avant.

Le télétravail progresse, mais reste très disparate selon les ministères, entre métiers compatibles et cultures administratives plus ou moins ouvertes.

Qualité de vie au travail : un levier encore sous-exploité

La QVT est aujourd’hui un critère majeur d’attractivité pour les jeunes. Espaces collaboratifs, postes modernisés, organisations plus souples : autant d’exigences sur lesquelles la fonction publique avance, mais souvent trop lentement par rapport au privé.
La CFDT rappelle qu’un travail de fond doit être mené pour améliorer durablement les conditions de travail et en finir avec les modèles obsolètes d’espaces standardisés.

Des attentes fortes en termes de parcours et de mobilité

Les jeunes ne se projettent plus dans une carrière linéaire au sein d’un même service. Ils cherchent de la mobilité, des passerelles, la possibilité de se réorienter.
Le rapport le souligne, et la CFDT l’appuie : il faut redévelopper de véritables parcours professionnels, remettre à niveau les politiques de formation, faciliter le passage entre ministères, ou entre État et territoriale — alors même que certains ministères bloquent aujourd’hui les possibilités d’arrivée.

Il faut aussi mieux expliquer qu’entrer dans la FPE n’enchaîne personne : mobilités internes, disponibilité, ruptures conventionnelles existent bel et bien, mais restent mal connues des jeunes.

Concours : une voie d’accès qui s’érode

La voie du concours externe n’est plus l’entrée principale dans la fonction publique. Les jeunes y viennent de plus en plus tard, après une première expérience comme contractuels.
Le volume des postes ouverts par concours externes a chuté de 28 % entre 2002 et 2022, et de nombreux concours peinent à attirer.

La proportion de contractuels déjà en poste parmi les lauréats augmente fortement : un « accès différé » qui modifie profondément le modèle historique du recrutement public.

Plusieurs pistes sont avancées :

  • développer les concours nationaux à affectation locale ;
  • mieux caler les calendriers de concours avec la fin des cycles de formation ;
  • renforcer l’usage des dispositifs PACTE, encore très sous-exploités ;
  • offrir de véritables voies de fidélisation pour les apprentis.
La contractualisation : opportunité ou fragilité ?

Si les contrats peuvent offrir plus de souplesse, leur développement rapide pose des questions :

  • risques de tensions entre agents exerçant les mêmes missions ;
  • rotation trop élevée dans certains services ;
  • perte de repères entre public et privé.

La CFDT rappelle que cette contractualisation ne doit pas fragiliser les collectifs de travail ni devenir la norme par défaut.

Attirer et fidéliser : revoir les leviers

Plusieurs leviers reviennent avec insistance :

  • une politique salariale plus attractive, notamment pour les entrées de carrière ;
  • pourquoi pas une prime de fidélisation dans les services les plus en tension ;
  • une action sociale mieux adaptée aux jeunes (aujourd’hui très orientée familles) ;
  • un vrai effort sur l’accompagnement au logement, qui reste un frein majeur dans les zones tendues.
Conclusion : une stratégie à construire… et vite

Le message de la Cour des comptes est clair : l’État doit se doter « sans délai » d’une stratégie ambitieuse pour attirer les jeunes et les fidéliser.
Beaucoup d’éléments existent déjà, mais restent dispersés, insuffisants ou trop mal connus. Les enjeux sont majeurs : renouvellement des compétences, continuité du service public, cohérence des politiques RH.

Dans son rapport, la Cour des comptes fait 5 recommandations :

Recommandation n° 1 : (DGAFP) En 2025, réaliser un bilan et engager une réflexion sur l’extension des recrutements par concours nationaux à affectation locale.

Recommandation n° 2 : (DGAFP, SG des MEF, SG du MIOM, SG du MENJSESR, SG du MTECT, SG du MA) Évaluer le coût des campagnes menées pour attirer et fidéliser les jeunes et se doter, dès 2025, d’outils de suivi quantitatif et qualitatif afin d’en garantir l’efficience.

Recommandation n° 3  : (DGAFP) Prévoir dès 2025 des voies de fidélisation des apprentis dans l’emploi public.

Recommandation n° 4 : (DGAFP, SG des MEF, SG du MIOM, SG du MENJSESR, SG du MTECT, SG du MA) Mettre en place, à partir de 2025, une politique ciblée d’accueil des jeunes, notamment des personnels contractuels.

Recommandation n° 5 : (DGAFP) En 2025, définir et mettre en œuvre une stratégie dédiée spécifiquement au recrutement des jeunes, fondée sur une GPEEC de l’emploi de l’État.

Pour la CFDT, cette transformation devra passer par une amélioration réelle des conditions de travail, des parcours professionnels modernisés, un meilleur accompagnement des jeunes, et une vision plus ouverte de ce que peut être une carrière publique.

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