CAP-CCP : Réduction drastique du rôle des CAP

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CAP : Mutations, avancements, promotions : comment les agents devront contester les décisions (Acteurs Publics – 15-02-19)

Le projet de loi de réforme de la fonction publique réduit drastiquement le rôle consultatif des commissions administratives paritaires (CAP) sur les décisions relatives à la carrière des agents. Cette instance deviendrait une structure d’appel pour les cas les plus litigieux. Avant tout recours contentieux, les agents devront obligatoirement formuler un recours administratif préalable.

RIP les commissions administratives paritaires (CAP) ? Comme il l’avait laissé présager, l’exécutif va vider de leur substance ces instances, consultées jusqu’alors sur chaque promotion, avancement et mobilité des fonctionnaires, et donc remettre en cause ce véritable totem syndical. L’unique raison pour un agent de se syndiquer réside, dans un certain nombre de cas, dans la capacité des syndicats à le défendre dans ces CAP. “Il était déjà difficile de recruter des adhérents, mais avec la mise à mort à venir des CAP, nous aurons encore plus de mal à défendre nos arguments et à convaincre les agents de nous rejoindre”, juge, dépité, un représentant du personnel.

Présenté aux représentants du personnel et des employeurs le 13 février, le projet de loi de réforme de la fonction publique procède en effet à une refonte en profondeur des attributions des CAP. Le texte supprime ainsi l’avis préalable de cette instance “respectivement sur les questions liées aux mutations et aux mobilités dans la fonction publique d’État et la fonction publique territoriale et sur les questions liées à l’avancement et à la promotion dans les trois versants”, précise l’exposé de ses motifs. À noter, par ailleurs, que le projet de loi supprime aussi la compétence consultative des CAP sur les tableaux annuels d’avancement.

Pour rappel, l’avis des CAP, quel que soit le sujet, n’est aujourd’hui que consultatif, l’employeur gardant la main in fine. Mais dans les faits, les avis sont souvent suivis.

Recentrage sur les “situations les plus complexes”

En contrepartie, le projet de texte “recentre le rôle et les attributions” des CAP “sur la prévention, le traitement et l’accompagnement des situation individuelles les plus complexes”. Des attributions qui restent encore à préciser, puisque le projet de loi stipule que les commissions administratives partiaires examineront les décisions individuelles “déterminées par un décret en Conseil d’État”.

Vivement critiquée par les représentants du personnel, cette réforme dans la réforme est jugée “essentielle” par Bercy. Objectif : “déconcentrer les décisions individuelles au plus près du terrain et doter les managers des leviers de ressources humaines nécessaires à leur action, dans le respect des garanties individuelles des agents publics”, indique l’exposé des motifs du projet de loi. En somme, donner un nouveau souffle au dialogue social et ainsi répondre à ses lourdeurs actuelles, caractérisées notamment par le temps passé devant les CAP à traiter des décisions individuelles des agents.

Un recours administratif préalable avant tout recours contentieux

En contrepartie de cette évolution importante”, explique le gouvernement, le projet de loi prévoit la création d’un recours administratif préalable “obligatoire” (avant toute saisine du juge administratif) en cas de décision individuelle “défavorable” en matière de promotion, d’avancement, de mobilité ou de mutation.

En introduisant ce recours administratif préalable obligatoire, l’exécutif transpose ainsi à la fonction publique civile des dispositions actuellement appliquées à la fonction publique militaire. Aujourd’hui, en effet, tout recours contentieux formé par un militaire à l’encontre d’actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d’un recours administratif préalable, sous peine d’irrecevabilité du recours contentieux. Ce recours préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la Défense.

Facteur de démotivation ?

Comme le précise donc le projet de loi, les recours contentieux formés par les agents à l’encontre des actes relatifs à leur situation personnelle “font, à peine d’irrecevabilité, l’objet d’un recours administratif préalable des conditions définies par décret en Conseil d’État”. Un recours que les CAP devraient avoir la charge d’examiner. Une manière de ménager une place aux syndicats. Un geste qui ne trouve pas grâce à leurs yeux…

La mesure fait tiquer plusieurs observateurs de la sphère publique. “En plus de supprimer l’avis des CAP, le gouvernement veut désormais dissuader les agents de s’opposer aux décisions les concernant”, dit l’un d’entre eux. Une lecture que partage Olivier Renaudie, professeur de droit public à l’école de droit de la Sorbonne : “On fait en sorte qu’il y ait moins de recours des agents devant les juridictions administratives”, explique l’universitaire. 

L’avis des CAP saute pour les transferts d’agents entre collectivités

Dans le cas où une intercommunalité restitue à l’une de ses communes membres une compétence et où il est mis fin de plein droit à la mise à disposition des agents de ces communes auprès de l’établissement intercommunal concerné, le fonctionnaire territorial “qui ne peut être affecté dans son administration d’origine aux fonctions qu’il exerçait précédemment reçoit une affectation sur un emploi que son grade lui donne vocation à occuper” ou “sur un poste de même niveau de responsabilités”, explique le projet de loi de réforme de la fonction publique. L’avis préalable des CAP sur ces affectations, qui existait jusqu’alors, disparaît donc. Cet avis consultatif des CAP saute également lorsque des agents sont transférés à des services mis en commun entre intercommunalités ou communes, lorsque les agents sont répartis entre les communes à l’issue de la dissolution d’un syndicat, d’une intercommunalité ou d’une communauté d’agglomération.

Par Bastien Scordia