Courrier du ministre des transports, relatif à la dangerosité du métier exercé par les agents des DIR.

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Suite à la réunion du 22 juillet dernier, Philippe TABAROT, Ministre chargé des transports à adressé un courrier à Laurent MARCANGELI, Ministre de la fonction publique, relatif à la dangerosité du métier exercé par les agents des directions interdépartementales des routes (DIR).

Vous trouverez ce courrier ci-dessous ou en pièce jointe.

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Paris, le   29 JUIL 2025

Le ministre

à

Monsieur le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification

 

Objet : Reconnaissance de la dangerosité du métier exercé par les agents des directions interdépartementales des routes

Les personnels d’exploitation des travaux publics de l’État (PETPE) qui travaillent dans les directions interdépartementales des routes (DIR) sont particulièrement exposés au risque routier, leurs missions les conduisant à intervenir sur les routes nationales et autoroutes, à proximité du trafic. En plus de comporter des tâches physiques, d’être exposés aux intempéries et de travailler en horaires décalés, ces agents subissent un niveau d’accidentalité très élevé. 15 accidents mortels sont à déplorer entre 2012 et juin 2025. Le taux de sinistralité est supérieur à celui des agents de la police nationale ou de la douane (pour les agents en uniforme) pour les dernières années disponibles. Depuis le début de cette année, deux agents sont décédés en service dans des circonstances dramatiques.

La prévention des risques routiers auxquels sont confrontés les personnels d’exploitation lors de leur intervention sur le réseau routier national non concédé est, de longue date, une priorité du ministère et, à ce titre, particulièrement suivie par l’administration comme par les syndicats. Un plan pluriannuel de prévention renforcé a été engagé en 2023 et doit se déployer jusqu’en 2027.

La dangerosité de leurs fonctions résulte notamment de leur proximité immédiate avec le trafic routier et de l’importance de celui-ci en raison du gabarit des routes nationales et des autoroutes, en particulier sur les 2 fois 2 voies et des vitesses qui y sont autorisées. Il convient de rappeler que le réseau routier national non concédé représente 1 % du linéaire routier français mais concentre près de 20 % du trafic total.

La recrudescence d’accidents dont malheureusement un nombre croissant d’accidents mortels démontre, s’il en était encore besoin, la dangerosité du métier.

Il me paraît indispensable d’accompagner le plan ministériel pluriannuel de prévention de mesures de nature législative visant à reconnaître la dangerosité du métier exercé par ces personnels, et à mieux les protéger.

Tout d’abord, il convient de rappeler que le corps des PETPE est classé dans la catégorie active. Ainsi ces personnels, sous réserve d’avoir exercé au moins 17 ans sous ce statut, peuvent sur leur demande obtenir leur admission à la retraite et la concession d’une pension à jouissance immédiate dès l’âge de 57 ans.

Or, les durées de cotisations requises empêchent les agents de bénéficier de ces dispositions sauf à accepter un calcul de pension très défavorable, ce qui conduit la très grande majorité d’entre eux à poursuivre leur activité bien au-delà de 57 ans. Compte tenu de l’absence de bonification ils partent désormais en moyenne à l’âge de 60,3 ans, avec parfois une décote. Les pensions liquidées sont donc faibles, du fait à la fois du moindre nombre d’années cotisées et de l’éventuelle application de cette décote. J‘ajoute que la part importante des indemnités liées aux sujétions, notamment aux astreintes, et des heures supplémentaires, dans la rémunération globale vient diminuer le remplacement que constitue la pension de retraite au regard de la rémunération totale pendant la période d’activité.

Ce maintien en activité plus longtemps présente en outre un risque important pour ces personnels qui sont confrontés à une usure physique et peuvent difficilement être reclassés sur d’autres fonctions (option envisageable pour quelques agents mais pas pour un grand nombre d’entre eux) et de ce fait plus exposés aux accidents, y compris d’accidents liés au trafic routier.

C‘est pourquoi je souhaite que soient prises les dispositions législatives nécessaires pour que les agents du corps des PETPE travaillant sous circulation dans les DIR puissent bénéficier de la bonification du cinquième pour le calcul de leurs droits à pension de retraite.

je suis persuadé que cette avancée ne créera pas de précédent, les raisons poussant à sa demande, à savoir le niveau d’accidentalité et les conditions d’exercice des missions étant parfaitement objectivables et en tous points comparables, voire plus défavorables, que celles des corps bénéficiant déjà de cette mesure.

Par ailleurs, le corollaire de cette première proposition, est la promotion à titre posthume au grade supérieur en cas de décès de l’agent en service permettant de reconnaître |es risques professionnels et l’exposition particulière liée aux interventions sous circulation des agents des DIR dans le cadre de leurs missions de service public et de leur concours aux forces de l’ordre (police nationale et gendarmerie) et aux sapeurs-pompiers.

Ces deux dernières catégories de personnels bénéficient de dispositifs ouvrant des possibilités de promotion exceptionnelle pour les agents ayant accompli un acte de bravoure ou ayant été grièvement blessés dans l’exercice de leurs fonctions. La promotion s’effectue souvent au grade ou à l’échelon supérieur. Ces dispositifs peuvent également prévoir que les agents mortellement blessés dans le cadre de leurs fonctions puissent bénéficier d’un avancement à titre posthume.

je souhaite vivement que ces dispositions exceptionnelles dérogeant aux règles d’avancement et de promotion du statut général de la fonction publique puissent s‘appliquer aux membres du corps des PETPE travaillant sous circulation dans les DIR.

Ces deux premières mesures seraient des marqueurs forts témoignant de la reconnaissance par l’État de la dangerosité de l’exercice des missions des agents d’exploitation des routes du ministère chargé des transports.

A la dangerosité du métier exercé par les PETPE travaillant sous circulation s‘ajoutent aussi les incivilités grandissantes des usagers à leur égard lors des interventions. Ils sont en outre, de plus en plus fréquemment, victimes d’incivilités voire d’agressions de la part des usagers dès lors que leur travail, pourtant nécessaire pour la sécurité des usagers, crée des gênes à la circulation.

Ainsi, ces actes fragilisent les agents victimes directes de ces incivilités et contribuent également ä fragiliser leurs conditions de travail avec potentiellement des répercussions directes pour le service aux usagers.

Je suis attaché à ce que soit ouverte la possibilité pour l’administration de déposer plainte en lieu et place de l’agent victime qui souvent, par crainte d’éventuelles pressions voire de possibles menaces, ne dépose pas plainte de son propre chef, ne souhaitant pas s‘exposer davantage alors même qu‘il subit déjà les contre coups d’un épisode traumatisant accompagné parfois d’un fort sentiment d’isolement. je sais que cette mesure est prévue dans le projet de loi « Protection des agents publics et simplification de l’action publique » que vous préparez en vue d’un examen en conseil des ministres en octobre prochain.

Enfin, les travaux sur le plan ministériel de prévention renforcé des risques pour les agents travaillant sous circulation font ressortir l’intérêt d’équiper les véhicules et les agents des gestionnaires du réseau routier national de caméras filmant la voie publique, dans l’objectif d’analyser le comportement des usagers de la route aux abords des zones d’intervention des agents et d’améliorer ainsi leur sécurité. Une proposition de disposition législative en ce sens a d’ores et déjà été rédigée et validée avec le ministère de l’intérieur. je compte sur vous pour qu‘elle puisse être aussi intégrée dans le projet de loi « Protection des agents publics et simplification de l’action publique ».

Le projet de loi que vous portez visant notamment à la protection des agents publics est de nature à emporter les quatre mesures proposées qui sont très attendues par les agents.

À la suite des deux derniers accidents mortels en service, intervenus en mai et juin derniers, l’ensemble des agents et leurs représentants réclament à juste titre cette reconnaissance de la dangerosité de leur métier. je partage en toute point ce souhait de voir enfin aboutir ces mesures portées de longue date par notre communauté de travail.


Philippe TABAROT

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Pour mémoire :

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