Loi “4D” : quelles conséquences pour les agents du ministère ?

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Loi “4D” : quelles conséquences pour les agents du ministère ? (17-05-21)

Le projet de loi 4D est passé en conseil des ministres le 12 mai 2021. Ce texte viendra devant le Sénat en juillet.

Après ce passage en conseil des ministres, le projet de loi “4D” (Décentralisation, Différenciation, Déconcentration et Décomplexification) sera donc examiné par les sénateurs au début juillet, et son président, Gérard Larcher, de préciser que ce  “nouvel acte de décentralisation” promis par Emmanuel Macron, en 2019, “ne répond pas tout à fait aux attentes, en l’état”. Pour mémoire, ce projet vise à adapter l’action publique locale aux spécificités des territoires et prévoit de nouveaux transferts de compétences aux collectivités.

De nombreux amendements sont donc à attendre de la part de la majorité sénatoriale qui en juillet 2020 avait fait « 50 propositions pour une nouvelle génération de la décentralisation« . Sans trop d’illusions sur ce qui sortira du passage au parlement (passage à l’Assemblée Nationale en septembre) cette loi 4D va « impacter » les agents de nos ministères.

En premier les personnels affectés à l’entretien des routes nationales non concédées – qui sont des agents des DIR – pourraient faire l’objet (via conventions) d’un transfert aux collectivités.

Mais aussi l’incitation forte pour des mutualisations entre établissements publics et notamment de leurs fonctions support – beaucoup de ces EP sont sous tutelle des MTE/MCTRCT/MM, comme VNF, Météo France, IGN, CEREMA, OFB, etc … – ( voir notre article du 05-03-21 ici )  L’exécutif revient donc à la charge avec cette mesure, censurée par le Conseil constitutionnel lorsque celle-ci avait été introduite dans le projet de loi ASAP.

A noter qu’avec cette loi, les collectivités pourront plus facilement avoir recours aux « capacités d’appui » du Cerema en termes d’ingénierie.

A surveiller également les expérimentations que peuvent permettre la loi 4D, notamment celle de la délégation complète de compétences en matière de logement. Les EPCI auront la possibilité de se voir déléguer en bloc les aides à la pierre, l’hébergement, le DALO, le contingent préfectoral et la réquisition.

Avec ce projet de loi 4D, le gouvernement veut également élargir les mises à disposition des fonctionnaires de l’État auprès d’associations agissant dans les territoires. Le gouvernement parle de “mécénat de compétences”.

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Pour aller plus loin :

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Pour mémoire : 

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Les points sensibles du projet de loi 4D (Localtis – 08-01-21)

Les élus locaux ont salué certains des assouplissements et des transferts de compétences prévus par l’avant-projet de loi de décentralisation (« 4D ») porté par la ministre de la Cohésion des territoires. Mais la poursuite des consultations en ce début d’année met au jour plusieurs sujets qui feront probablement débat dans les prochains mois. Détails.

En ce début d’année, la ministre de la Cohésion des territoires poursuit ses consultations sur le projet de loi 4D (différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification), en particulier sur les aspects liés aux personnels. Ce 6 janvier, aux côtés de la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Jacqueline Gourault a ainsi reçu la coordination des employeurs territoriaux emmenée par son porte-parole, Philippe Laurent. Au cœur des discussions : la décentralisation envisagée de certaines compétences de l’État (de nouveaux tronçons de routes nationales, médecine scolaire…) et la « clarification » voulue dans les relations entre les collectivités et les gestionnaires des collèges et lycées.

La ministre avait déjà exposé devant les syndicats de la fonction publique, le 17 décembre, les intentions du gouvernement sur ces dossiers. Elle avait pu constater alors la forte hostilité des syndicats de l’État, lesquels sont attachés à la pleine appartenance à l’Éducation nationale, tant des personnels des services de médecine scolaire que des adjoints aux chefs d’établissements. Avec le projet de l’exécutif, ces derniers seraient « placés entre le marteau et l’enclume », dénonce par exemple le syndicat Unsa des personnels administratifs de l’Éducation nationale.

« C’est le métier des syndicats que de tirer la sonnette d’alarme, relativise Jean-Robert Massimi, directeur général du conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). Lorsque la décentralisation des personnels techniques des collèges et des lycées avait été annoncée par le gouvernement Raffarin, ils avaient brossé un portrait apocalyptique des collectivités ». Mais finalement, on s’aperçoit que ces agents « sont à présent mieux gérés qu’ils ne l’étaient par l’Éducation nationale », conclut-il.

Expérimentations

Philippe Laurent, maire de Sceaux et par ailleurs président du CSFPT, concède pourtant : « Le fait que certains agents pourraient se trouver sous la dépendance fonctionnelle d’une collectivité en restant fonctionnaire d’État et sans être détaché » constitue une « difficulté ». Mais ne devrait pas être une pierre d’achoppement pour l’édile. Car la situation n’est pas nouvelle, pointe-t-il. Les Atsem ne sont-ils pas déjà placés sous une double autorité : l’autorité hiérarchique du maire et l’autorité fonctionnelle du directeur d’école ? L’expérimentation de certains transferts, comme celui qui pourrait voir les régions devenir responsables de parties de routes nationales, constitue en revanche une nouveauté, avance Philippe Laurent. « Les personnels des services de l’État concernés devraient être mis à la disposition des collectivités, mais sans avoir un droit d’option tant que la décision de transférer la compétence ne sera pas prise », estime un expert au sein d’une association d’élus locaux. De leur côté, les transferts purs et simples de compétences ne devraient pas poser de difficultés particulières. Lors des deux premiers actes de décentralisation menés sous les gouvernements de Pierre Mauroy et Jean-Pierre Raffarin, des règles et des pratiques ont été instaurées. « On a l’habitude », résume Philippe Laurent.

Jacqueline Gourault ne néglige pas ce volet-là du chantier : le 13 janvier, elle présentera les mesures de l’avant-projet de loi aux membres du CSFPT réunis en séance plénière. Et le 27 janvier, ce sont les dispositions « RH » de la réforme – au nombre de quatre pour le moment – qui seront soumises à l’avis de l’instance.

Participation citoyenne

D’autres mesures de l’avant-projet de texte qui ne relèvent pas du volet « RH » s’annoncent elles aussi sensibles et pourraient donner lieu à des passes d’armes. Comme le renforcement des pouvoirs des préfets coordonnateurs de bassin à l’égard des décisions des agences de l’eau, révélé par plusieurs sources. Les hauts fonctionnaires auraient à rendre un avis conforme sur la programmation des interventions et les taux des redevances. Autrement dit, leur avis prévaudrait sur ces sujets majeurs pour les agences de l’eau. Ce qui n’est pas du tout du goût des élus locaux, qui se sentent mis sur la touche.

Pour leur part, les dispositions du texte en matière de participation citoyenne semblent déjà ne pas faire l’unanimité. Le gouvernement propose d’abaisser les seuils (d’un cinquième des électeurs d’une commune à un dixième) du nombre de signatures permettant de demander l’organisation d’une consultation ou une délibération sur une affaire de la compétence de la collectivité. Le bureau exécutif de France urbaine prévoyait ce 8 janvier, lors d’une rencontre en visio-conférence avec Jacqueline Gourault, de pointer « un risque de harcèlement des équipes municipales, particulièrement dans les petites communes ». L’association représentative des grandes villes et de leurs intercommunalités comptait appeler l’exécutif à rester fidèle à l’esprit de la loi Engagement et proximité, qui « soutenait l’engagement des maires ».

L’introduction d’une nouvelle procédure de consultation des habitants avant la création d’une commune nouvelle semble également susciter des débats. « Même si celle-ci ne s’impose pas aux conseils municipaux, sera-t-elle sans impact sur les processus, toujours délicats, de fusions volontaires des communes ? », s’interrogent les responsables de Villes de France dans un récent courrier à Jacqueline Gourault. La possibilité d’une consultation populaire « même après un vote à l’unanimité des conseils municipaux » pourrait avoir pour conséquence de « dissuader » les initiatives, s’inquiète-t-on chez France urbaine.

Décentralisation du logement

Du côté de France urbaine, on souhaite par ailleurs que les transferts de compétences aux départements ne remettent pas en cause les prérogatives particulières aujourd’hui exercées par le bloc local. L’association devait rappeler ce vendredi à la ministre de la Cohésion des territoires qu’une quinzaine de grandes villes assument par délégation la médecine scolaire. Et que dans le cadre de la loi Maptam de 2014, des métropoles ont acquis une compétence en matière de gérontologie. Il s’agira donc de préciser « l’articulation » de leurs interventions avec celles du département, qui doit devenir « le chef de file pour l’habitat inclusif et l’adaptation du logement au vieillissement ».

Par ailleurs, les grandes villes devaient plaider pour « un volet logement plus ambitieux ». Ce qui passerait notamment par la mutualisation à l’échelle intercommunale de la réalisation de l’obligation de constructions de logements sociaux et de nouveaux outils permettant de réguler l’offre de meublés touristiques.

Pour rappel, Jacqueline Gourault a présenté les mesures de sa réforme, le 18 décembre, aux représentants des associations de maires et présidents d’intercommunalité (voir notre article du 17 décembre 2020). Depuis, l’avant-projet de loi n’aurait toujours pas été transmis au Conseil d’État. L’examen en conseil des ministres est annoncé pour le début du mois de février.

 

Un long train de mesures variées

La ministre de la Cohésion des territoires a d’ores et déjà dévoilé de très nombreuses mesures de son avant-projet de loi. Voici une liste (non exhaustive) de celles qui ont été portées à la connaissance des associations d’élus locaux peu avant Noël. En sachant que les choses peuvent encore bouger, comme l’illustre par exemple le sort réservé à la possibilité du transfert des aéroports ne présentant pas un intérêt national ou international. D’abord inscrite dans le projet de texte, cette possibilité en aurait récemment été extraite à la demande de Bercy.

Différenciation territoriale et démocratie locale

  • « Ancrer » le principe de différenciation dans la loi.
  • Conférences territoriales de l’action publique (CTAP) : possibilité de délégations de compétences entre collectivités pour la réalisation de projets spécifiques.
  • De nouveaux pouvoirs réglementaires : pour certaines matières, des délibérations locales pourront se substituer à des décrets.
  • Participation citoyenne locale : abaisser les seuils de nombre de signatures permettant de demander l’organisation d’une consultation ou une délibération sur une affaire de la compétence de la collectivité (1/10e des électeurs d’une commune contre 1/5e actuellement).
  • Association des citoyens lors de la création des communes nouvelles : mise en place d’une possibilité de consultation de la population en complément des délibérations des conseils municipaux.

Mobilités, lutte contre le réchauffement climatique, biodiversité

  • Décentralisation de routes nationales aux départements et métropoles volontaires, ainsi qu’aux régions à titre expérimental.
  • Création au bénéfice des intercommunalités, sans faculté d’opposition des maires, d’un pouvoir de police administrative en matière de zones à faible émission (ZFE).
  • Possibilité de transfert aux régions de la propriété ou de la gestion des petites lignes ferroviaires et de leurs gares.
  • Faculté de mise à disposition de la région de salariés de SNCF réseau et SNCF Gares & Connexions pour une durée maximum de 15 ans
  • Délégation aux régions d’une partie des moyens d’intervention de l’Agence de la transition écologique (fonds chaleur et fonds économie circulaire).
  • Trait de côte : création d’un cadre juridique pour permettre des projets de recomposition littorale et d’urbanisme transitoire.
  • Renforcer les pouvoirs de police du maire dans les espaces naturels protégés.
  • Gestion des zones Natura 2000 terrestres confiée aux régions.

Urbanisme et logement

  • Expérimentation d’une délégation complète de compétences en matière de logement : les EPCI auront la possibilité de se voir déléguer en bloc les aides à la pierre, l’hébergement, le DALO, le contingent préfectoral et la réquisition.
  • Ouverture du droit à des outils renforcés de maitrise foncière et budgétaire dans les projets partenariaux d’aménagement et les grandes opérations d’urbanisme.
  • Accélération de la récupération des biens abandonnés situés en centre-ville : le délai de prise de possession des biens sans maître sera abaissé à 10 ans.
  • Faculté pour un département de réaliser le programme local de l’habitat (PLH) pour le compte d’une intercommunalité à fiscalité propre qui en fera la demande.
  • Assouplissement de l’accès aux opérations de revitalisation du territoire (ORT) aux agglomérations qui comportent plusieurs villes-centres.
  • Prolongation de l’expérimentation de l’encadrement des loyers de 5 à 8 ans et extension possible à de nouvelles collectivités.
  • Renforcement des organismes de foncier solidaire.

Santé, cohésion sociale et éducation

  • Place accrue des élus dans la gouvernance des ARS : transformation du conseil de surveillance en conseil d’administration et attribution d’un tiers des places aux collectivités territoriales, dont 2 places de vice-présidents.
  • Possibilité pour les collectivités de financer les établissements de santé.
  • Possibilité pour les communes et les départements de recruter du personnel soignant pour les centres de santé qu’ils gèrent.
  • Expérimentation de la recentralisation du RSA dans les départements volontaires et renforcement des politiques d’insertion.
  • Transfert aux départements de la tutelle des pupilles de l’État.
  • Les départements auront un rôle de chef de file pour l’habitat inclusif et l’adaptation du logement au vieillissement.
  • Rattachement des directeurs des instituts départementaux de l’enfance et des familles à la fonction publique territoriale.
  • Faculté pour les métropoles de se doter de centres intercommunaux d’action sociale.
  • Gouvernance de la protection de l’enfance : un GIP réunira les fonctions de protection de l’enfance aujourd’hui segmentées.
  • Décentralisation de la médecine scolaire vers les départements.
  • Clarification des relations entre les collectivités et les gestionnaires de collèges et lycées.

Déconcentration

  • Le préfet de région devient le délégué territorial de l’Agence de la transition écologique.
  • Le recours par les collectivités au Cerema sera facilité.
  • Le pouvoir du préfet sur les décisions des agences de l’eau sera renforcé.
  • Création d’un contrat de cohésion des territoires pour définir les objectifs et priorités en matière de cohésion et de développement du territoire. Conclus par l’État, les communes et les intercommunalités, ils associeront les départements et les régions.
  • Un cadre légal au dispositif de labellisation France Services.

Simplification

  • Facilitation du partage de données entre administrations publiques.
  • Accélération de la mise en place des « bases adresses locales » dans le cadre du déploiement du très haut débit.
  • Amélioration de la transparence des entreprises publiques locales.
  • Possibilité en cas de nouvelle crise, d’activer les modalités exceptionnelles de fonctionnement des collectivités déployées en 2020 (et ce sans avoir à repasser par la loi).

Outre-mer

  • Expérimentation d’un état de calamité naturelle.
  • Faculté de création par les régions d’outre-mer d’un EPIC en matière de formation professionnelle

par Thomas BEUREY

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