Mylène Jacquot : «Supprimer 120 000 postes de fonctionnaires était irréaliste»

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Mylène Jacquot : «Supprimer 120 000 postes de fonctionnaires était irréaliste» (Libération – 26-04-19)

La secrétaire générale de la CFDT fonctions publiques, Mylène Jacquot, a entendu l’infléchissement du Président mais estime qu’il ne suffira pas à rétablir le lien distendu depuis deux ans avec les agents.

Mylène Jacquot est secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques. Après la conférence de presse présidentielle, le syndicat dit «partager le diagnostic», d’Emmanuel Macron mais reste très vigilant sur la mise en œuvre des annonces.

Interview :

Le Président a déclaré qu’il pourrait renoncer à supprimer 120 000 postes de fonctionnaires, l’une de ses promesses de campagne présidentielle. C’est une satisfaction ?

On a bien entendu ce qui s’est dit : on prend acte et on vérifiera. Pour nous, à la CFDT, il semble enfin compris que cet objectif de suppression de 120 000 postes en cinq ans était irréaliste, d’autant plus qu’on a entendu le besoin de services publics de proximité. On avait alerté le gouvernement dès le mois de mai 2017 car il était impensable de n’aborder la réflexion sur les politiques publiques que par le prisme budgétaire. On devrait d’abord réfléchir à ce qu’on veut faire, observer les attentes des usagers et mettre les moyens en face, qu’ils soient humains, techniques, technologiques. Or, pendant deux ans, comme on le craignait, la réflexion n’a été que budgétaire. Le problème, c’est qu’elle est allée de pair avec un discours inquiétant sur les agents qui a fait beaucoup de mal. Ces deux années laissent des traces car le gouvernement a fait entendre que les fonctionnaires étaient trop nombreux, qu’ils ne travaillaient pas assez… Il a toujours parlé de la fonction publique comme d’un coût et non d’une richesse, et cela a eu un impact au quotidien : beaucoup d’agents nous font part de leur malaise et de leur envie de quitter la fonction publique. C’est un peu deux ans de perdus. Tentons de repartir sur des bases nouvelles.

Et les autres annonces sur la fonction publique ?

Nous sommes très attachés, depuis longtemps, à ce que l’on engage une réflexion sur la formation des agents, de toute la fonction publique. Pour nous, la question n’est pas seulement de savoir si l’ENA doit continuer à exister ou non : nous souhaitons un vrai dialogue sur ce volet formation. Le Président a également annoncé vouloir réorganiser les services de l’Etat, en donnant plus de responsabilité aux préfets. C’est aussi un vrai sujet qui mériterait qu’on discute, car on sait que le rôle du préfet est déjà renforcé par les directions départementales interministérielles et que ce n’est pas du tout apprécié par les agents sur le terrain.

Il y a des manques dans la parole présidentielle ?

Oui : il n’a pas du tout abordé la question du pouvoir d’achat, qui vaut pourtant aussi pour les fonctionnaires. On a déjà été privés de la prime exceptionnelle attribuée en début d’année dans les entreprises après le mouvement des gilets jaunes et on continue de nous expliquer qu’il faut nous serrer la ceinture. La valeur du point d’indice est gelée depuis plus de dix ans, en dehors d’une augmentation de 0,6 % en 2016 et 0,6 % de nouveau en février 2017. C’est quand même pas grand-chose… On a bien entendu quelques infléchissements, mais cela ne nous semble pas suffisant. Nous en discuterons lors du rendez-vous salarial de juin avec le gouvernement. En attendant, nous appelons les agents à se mobiliser le 9 mai.

Gurvan Kristanadjaja