Retraites : « Les 65 ans, c’est un slogan, un marqueur politique »

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Frédéric Sève, secrétaire national et trésorier de la CFDT, chargé des retraites : « Les 65 ans, c’est un slogan, un marqueur politique »

Le candidat Président a fait du report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans un marqueur fort de sa campagne. Maintenant qu’il est élu, comment la CFDT envisage son positionnement face à cette mesure très dure pour les salariés ?

Pour la CFDT, il est hors de question d’accepter un recul de l’âge légal, que ce soit 65, 64 ou 63 ans. Nous lui avons dit et nous le redirons le moment venu, cette mesure est injuste. Elle pénalise les personnes qui ont commencé à travailler tôt et qui ont cotisé assez longtemps pour bénéficier d’une pension à taux plein. De plus, le Président laisse entendre que cette mesure permettrait de financer des politiques publiques qui n’ont rien à voir avec la retraite. Alors oui, il y a nécessité de trouver de nouveaux financements pour l’éducation, la santé ou la dépendance, mais cet effort doit être juste et partagé par tous les citoyens, donc par l’impôt.

C’est pourquoi la CFDT revendique, par exemple, un prélèvement de 1 % dès le premier euro sur l’ensemble des successions et donations afin de financer la prise en charge de la perte d’autonomie.

Est-ce à dire qu’il n’y a pas de problème pour financer les retraites ?

Il y a des besoins de financement, mais ils ne sont pas d’une ampleur telle qu’ils justifient un report de l’âge légal. On peut très bien en discuter de manière pragmatique pour prendre les décisions nécessaires, mettre en avant cette mesure d’âge qui n’est rien d’autre qu’un slogan, un marqueur politique peu efficace. Je dirais même contre-productif tant la mesure fait l’unanimité contre elle.
La CFDT a toujours apporté la preuve qu’elle était capable de gérer les régimes complémentaires avec sérieux et responsabilité. Il est temps de revenir à un débat apaisé, même si c’est toujours difficile quand on aborde la question des retraites.

Au 50e congrès, à Lyon, les syndicats se sont exprimés contre l’idée d’un nouvel allongement de la durée de cotisation. Comment analyses-tu le message qu’ils ont voulu faire passer ?

Ces vingt dernières années, la CFDT a toujours privilégié la durée de cotisation plutôt que le couperet de l’âge pour prendre en compte les gains d’espérance de vie. Au congrès de Lyon, les syndicats nous ont dit : « Ça suffit ! Nous sommes allés au bout de cette logique. Il n’est pas question d’imaginer d’autres allongements de la durée de cotisation, autres que celles déjà actées dans la loi [quarante-trois ans pour la génération née en 1973] ». Au-delà de ce vote marquant, le débat a montré l’extrême inquiétude des syndicats en matière de retraite, qui s’explique notamment par la manière dont le dossier a été géré ces cinq dernières années.

Le projet d’une réforme systémique des retraites ne semble plus d’actualité pour le Président. Quelle est la position de la CFDT sur cette question de réforme globale ?

Nous n’avons pas changé d’avis. Il y a des injustices dans le système actuel, et il serait bon de s’y attaquer. Je pense à la question des carrières hachées, aux polypensionnés, etc. Mais plus que la question de la réforme systémique, nous souhaitons aujourd’hui avancer sur de nombreux sujets majeurs comme la pénibilité, le minimum de pension, l’emploi des seniors, la retraite progressive… La retraite ne se limite pas à une question d’âge.

Propos recueillis par Jérôme Citron

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D’après l’article initialement publié dans CFDT-Magazine
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