Fonction publique : Un agenda social au pas de charge

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Fonction publique : Un agenda social au pas de charge (11-09-19)

Décrets sur le temps non complet, le contrat de projet, l’accompagnement des restructurations, les ruptures conventionnelles, les compétences des commissions administratives paritaires… La fin d’année s’annonce intense pour les organisations syndicales de la fonction publique.

Le 5 septembre, lors d’une rencontre avec les partenaires sociaux, Olivier Dussopt, secrétaire d’État, a présenté un projet d’agenda social très chargé, arguant que « le président de la République a souhaité une mise en œuvre rapide de la loi de transformation de la fonction publique [adoptée récemment] ». Concrètement, une cinquantaine de décrets devraient être publiés bientôt, de nombreuses dispositions devant entrer en vigueur au 1er janvier 2020.

Parallèlement, plusieurs concertations vont s’ouvrir entre septembre et février 2020. Elles feront l’objet d’ordonnances d’ici à août 2021 (protection sociale complémentaire, formation, réforme de la haute fonction publique, négociation collective).

Cet agenda serré inquiète la CFDT-Fonctions Publiques, qui craint pour la qualité du dialogue social. « Nous attendons du gouvernement qu’il prenne le temps de la discussion et qu’il s’engage dans des négociations plutôt que des concertations », alerte Mylène Jacquot.

Les revendications sont claires : « La négociation de proximité devra être mieux encadrée et définie. La participation financière des employeurs publics à la complémentaire santé devra être augmentée et devenir obligatoire. Les règles relatives à la protection de la santé des agents devront être améliorées. »

Sur la question des retraites des agents publics, le ministre a annoncé la tenue d’une concertation spécifique, en lien avec la concertation interprofessionnelle. Un choix partagé par la CFDT-Fonctions publiques, qui détaillera les points sur lesquels elle entend travailler.

Ouvrir une négociation sur la qualité de vie au travail

Alors que s’érode la confiance entre les agents publics et l’État employeur, et face aux inquiétudes pour l’avenir (nouveau gel du point d’indice, annonces de suppressions de postes au ministère de l’Économie et des Finances, manque de moyens…), les mesures envisagées ne sauraient advenir au détriment d’un service public de qualité, prévient Mylène Jacquot. « Plus que jamais, il faut une négociation sur la qualité de vie au travail dans la fonction publique. » Pour, enfin, prendre en compte la réalité des fonctionnaires et contractuels.

Par Guillaume Lefèvre

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La déclaration de la CFDT (05-09-19)

Monsieur le Ministre,

Vous nous présentez aujourd’hui un projet d’agenda social chargé par la mise en œuvre de la loi de transformation de la Fonction publique publiée cet été, ce n’est pas une surprise.

C’est donc la Commission mixte paritaire qui aura été conclusive et le texte publié est celui issu de ses travaux du 4 juillet. Ce compromis issu de la CMP n’a pas modifié les grandes orientations du texte de loi et a même fait fi de quelques-unes des rares améliorations apportées par les députés (exclusion des emplois de catégorie C des contrats de projet, par exemple) ou par les sénateurs (rétablissement des compétences des CAP sur les avancements, par exemple).

Malgré la prise en compte de certaines de nos revendications, notamment l’instauration d’une indemnité de fin de contrat à compter de 2021, force est de constater que les exigences du Gouvernement n’ont pas permis d’obtenir plus d’avancées.

Sur la base de ce constat, la CFDT maintient son appréciation défavorable et ses critiques à ce texte dont l’idéologie initiale n’a pas été modifiée.

Pour autant, nos revendications ne sont pas enterrées par la publication de la loi et la CFDT est, et restera, mobilisée pour défendre et améliorer les droits des agents publics, quel que soit leur statut, dans le cadre d’un dialogue social exigeant dont nous devrons obtenir qu’il se développe.

Une incise en lien avec les exigences du dialogue social : je rappelle que la fusion des différents droits syndicaux, moyens indispensables, en « crédit de temps syndical » sur les versants État et hospitalier est toujours attendue sur le versant territorial.

Défense d’un emploi statutaire de qualité, garanties nouvelles pour les agents contractuels, opposition à la mise en concurrence des fonctionnaires et des contractuels, parcours professionnels plus sécurisés, voilà quelques-unes des lignes directrices de nos revendications, qui sont enrichies du travail fait par la CFDT avec ses nombreux partenaires du Pacte de pouvoir de vivre.

En plus des nombreuses réunions d’instances des prochains mois qui auront à amender et à se prononcer sur les nombreux décrets d’application de la loi 2019-828 du 6 août 2019, nous souhaitons que d’autres sujets soient traités dans les prochains mois :

  • la négociation de proximité devra être mieux encadrée et définie,
  • la participation financière des employeurs publics à la complémentaire santé devra être augmentée et devenir obligatoire,
  • les règles relatives à la protection de la santé des agents devront être améliorées.

Sur chacun de ces sujets -qui relèvent aussi de la mise en œuvre de la loi-, la CFDT revendique que le gouvernement s’engage dans des négociations plutôt que des concertations. Nous attendons aussi que l’on puisse construire un calendrier de travail qui soit à la fois supportable et efficace. Car nous l’avons dit à plusieurs reprises, et d’ailleurs d’autres l’ont repris : la qualité du dialogue social ne se mesure pas au nombre de réunions.

La qualité du dialogue social passe aussi par de la transparence en matière de communication des éléments de bilan et nous attendons encore à ce jour la publication de celui présenté par les Inspections générales sur la protection sociale complémentaire dans les trois versants de la Fonction publique.

Mais ni le quotidien des agents, ni l’actualité ne se résument à la loi « Fonction publique ». J’ai fait allusion au Pacte du pouvoir de vivre. Nous avons porté un certain nombre de ses propositions lors du rendez-vous salarial avec les organisations syndicales co-signataires du Pacte (Unsa et CFTC). Aujourd’hui, comme cela a été fait en 2018, et sans rien oublier de nos mécontentements suite à ce rendez-vous 2019 (absence de mesures générales, pas de pérennisation de l’ICCSG,…), nous souhaitons que la réunion de suivi soit aussi l’occasion d’aborder les conséquences du gel de la valeur du point au regard des augmentations prévisibles du SMIC, alors que l’inflation dépassera probablement les 1%. La CFDT exigera que les premiers indices des rémunérations rattrapés par l’augmentation du SMIC soient compensés en points et non en indemnité, et nous exigerons aussi des mesures pour éviter tout tassement des grilles.

Un certain nombre d’agents sont soumis aussi en cette rentrée à des perspectives qui sont sources de vives inquiétudes (annonces de suppressions de postes dans les ministères économiques et financiers, conflits liés aux moyens et à l’organisation des services à l’hôpital par exemple, poursuite des évolutions de la carte des collectivités, mise en place à marche forcée des secrétariats généraux communs dans les DDI, etc). Plus que jamais, la CFDT appelle à une négociation sur la qualité de vie au travail, à la confluence de nombreux sujets qui font notre quotidien et celui des collègues que nous représentons. Nous ne pouvons parler du travail et de la vie au travail sans parler des transitions professionnelles : les accompagnements doivent être accessibles aux agents pas uniquement quand ils subissent une restructuration mais aussi pour accompagner leurs souhaits d’évolution professionnelle.

Enfin, comment faire sans parler du sujet qui -de toute évidence- fait l’actualité de la rentrée : les retraites et la concertation qui doit s’engager sur la mise en place d’un système universel (à ne pas confondre avec uniforme…). La CFDT Fonctions publiques a bien noté que vous considérez que notre concertation doit s’articuler avec la concertation générale et interprofessionnelle. Nous partageons ce point de vue. Ces deux discussions ne peuvent être menées ni en parallèle, ni indépendamment l’une de l’autre : elles devront effectivement s’articuler. Et les prochaines semaines devront nous permettre de travailler à cette articulation en commençant par la liste des points qu’il nous appartiendra de traiter pour proposer des solutions dont un certain nombre ne relèvera d’ailleurs pas du projet de loi « retraites », je pense particulièrement à la question des rémunérations. Le Président de la République a ouvert quelques pistes, mais la réforme ne concernera pas que les infirmières, aides-soignantes et enseignants.


Application de la loi “Fonction publique” : top départ de la concertation (Acteurs Publics – 05-09-19)

Jeudi 5 septembre, le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt a présenté aux syndicats et aux employeurs publics le chantier réglementaire de la loi du 6 août de transformation de la fonction publique. Les instances consultatives commenceront à se réunir à partir de la fin du mois de septembre pour examiner les textes d’application de la loi.

Réforme de la fonction publique. Acte 2. Après la publication le 6 août dernier de la loi de transformation de la fonction publique, le gouvernement a ouvert jeudi 5 septembre la concertation sur l’application des dispositions du texte. Lors d’une réunion organisée à Bercy, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt, a ainsi présenté aux représentants du personnel et des employeurs le calendrier de travail prévu dans les prochains mois pour la publication des décrets d’application du texte. Un agenda social qui s’annonce extrêmement chargé.

« Nous souhaitons que l’application soit rapide, a expliqué le secrétaire d’Etat à l’issue de la réunion. On met souvent trop de temps entre la prise de décisions et leurs traductions concrètes ».

Instances consultatives bientôt réunies

Si « un tiers » des articles de cette loi « sont d’application immédiate » soit au 6 août, les autres dispositions sont « pour l’essentiel, à savoir 80% environ, applicables au 1er janvier 2020 », a précisé Olivier Dussopt en rappelant que les décrets nécessaires à leur application devront être publiés d’ici au 31 décembre 2019. Les dispositions restantes telles que la mise en place de la prime de précarité ou la fusion des comités techniques et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) seront quant à elles applicables en 2021 et 2022.

La concertation sur les textes d’application nécessaires (une cinquantaine de décrets au total) « va s’ouvrir dans les heures et les jours qui viennent », a poursuivi le secrétaire d’Etat. Et ce, de manière à ce que les instances de dialogue social (conseils supérieurs et conseil commun) « puissent être saisies dans les plus brefs délais ». Les réunions en question débuteront à la fin du mois de septembre et s’étaleront jusqu’à la fin de l’année.

Sur la réforme de la haute fonction publique, de la protection sociale complémentaire ou la négociation d’accords locaux, les discussions sur les ordonnances prévues à cet effet débuteront quant à elle début 2020. Objectif du gouvernement notamment : prendre le temps de la concertation et s’appuyer sur les rapports qu’il a demandé sur ces sujets et qui sont toujours attendus (le rapport de la mission Thiriez sur la haute fonction publique ou le rapport de la députée Charlotte Lecocq sur la santé au travail).

Dialogue social promu

Reste désormais à savoir si le calendrier prévisionnel du gouvernement sera tenu. La concertation s’annonce en effet rythmée (voire tendue) en particulier avec les organisations syndicales qui depuis le début des discussions sur la réforme de la fonction publique n’ont pas manqué d’exprimer leur désaccord sur les dispositions envisagées. Pour rappel, elles avaient même exprimé un avis unanime défavorable sur le projet de loi en mars dernier.

« Nous allons tout mettre en œuvre pour que chacun et chacune de celles et ceux qui veulent participer à cette concertation puissent le faire dans de bonnes conditions et que chaque organisation syndicale souhaitant apporter sa pierre soit entendue et puisse être prise en compte tout comme pour les employeurs », a promis le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt.

Syndicats circonspects

L’optimisme en tout cas ne semblait pas de mise à l’issue de la réunion. « Nous attendons de voir comment les concertations vont être engagées », souligne, circonspecte, Nathalie Makarski de la CFE-CGC .« Comme on pouvait l’imaginer, rien ne change ni sur le fond ni sur la forme, estime pour sa part Gaëlle Martinez de Solidaires. Les réunions vont s’enchaîner dans un calendrier ultraserré qui ne permettra en aucun cas de concerter, la concertation se résumera à nouveau à de la simple information ». « C’est un agenda très lourd imposé au pas de charge qui conforte notre opposition à la loi », abonde Christian Grolier de Force ouvrière tandis que Bruno Collignon de la FA-FP estime que le bilan quantitatif plutôt que qualitatif de ces réunions « sera sans doute mis en avant ».

Dans un communiqué, Luc Farré de l’UNSA insiste de son côté « sur la nécessité du retour d’un véritable dialogue social, respectueux des partenaires sociaux dans la fonction publique, seul marqueur possible d’un véritable changement de méthode ». Mylène Jacquot de la CFDT, quant à elle, a indiqué lors de sa déclaration liminaire que si la CFDT maintenait « son appréciation défavorable et ses critiques à ce texte » elle « restera, mobilisée pour défendre et améliorer les droits des agents publics dans le cadre d’un dialogue social exigeant ».

Une réunion boycottée par la CGT

La CGT est la seule organisation syndicale à ne pas avoir participé à la réunion de présentation du chantier réglementaire de la loi organisée ce 5 septembre. Dans un communiqué annonçant son absence, l’organisation indiquait ne pas souhaiter « servir d’alibi à un prétendu dialogue social qui n’existe pas en réalité ». Et ce notamment en raison de la « politique non seulement régressive pour le service public et ses agents » mise en place selon elle par le gouvernement mais aussi en raison de la « remise en cause sans précédent des droits des représentants des personnels ». La CGT y indiquait aussi faire de « l’élévation du rapport de forces sa priorité ».

Par Bastien Scordia