Pouvoirs renforcés pour les préfets : vers une recentralisation de l’État ?
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Le Premier ministre François Bayrou a présenté le 8 juillet à Chartres un projet de réforme visant à renforcer considérablement le rôle des préfets dans les départements et régions. Officiellement, il s’agit de « rapprocher » l’État des citoyens et de rendre les politiques publiques plus lisibles. Mais derrière cette volonté affichée de « proximité », le texte soulève des questions importantes, notamment pour les agents publics et pour la démocratie locale.
Un préfet “patron local” de l’État ?
Concrètement, la réforme prévoit :
- Que le préfet coordonne l’ensemble des services et opérateurs de l’État sur son territoire.
- Qu’il donne un avis préalable systématique sur l’implantation des services publics (carte scolaire, finances publiques, santé).
- Qu’il participe aux nominations, aux évaluations annuelles, et à la fixation des objectifs et de la part variable des rémunérations de l’ensemble des chefs de services déconcentrés (les DDI par exemple) et des responsables d’opérateurs.
- Et même qu’il puisse réorienter certaines dépenses de personnel pour mieux « coller aux réalités locales ».
Cette vision d’un préfet « patron » local de l’État s’appuie sur la modification du décret du 29 avril 2004 et sur l’élargissement du pouvoir de dérogation aux normes, censé permettre plus de « souplesse » pour les projets locaux.
![]() Chartres – 08-07-25 – Capture d’écran YouTube |
Des économies… mais à quel prix ?
Autre objectif assumé : la réforme vise aussi à faire des économies. La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a ainsi annoncé la suppression ou fusion d’un tiers des opérateurs publics d’ici 2027, pour un gain estimé par le gouvernement de 2 à 3 milliards d’euros. Des chiffres fortement contestés par le Sénat, qui évalue les économies réelles à 540 millions d’euros.
Pour la CFDT, il est essentiel de rappeler que la proximité et la qualité du service public ne se construisent pas uniquement par des économies et une concentration des pouvoirs.
Des questions qui restent entières
Comment garantir que cette recentralisation autour du préfet ne réduira pas la capacité d’initiative des services sur le terrain ?
Quid du dialogue social local et de l’avis des agents et de leurs représentants ?
Cette réforme améliorera-t-elle vraiment le service rendu aux usagers, ou risque-t-elle d’accroître la complexité et d’éloigner encore les décisions du terrain ?
La CFDT restera vigilante
La CFDT UFETAM rappelle que la qualité du service public passe d’abord par :
- des moyens suffisants,
- des agents reconnus et formés,
- et un pilotage respectueux de l’expertise locale et du dialogue social.
Assistons-nous à une prise en main de l’encadrement de l’administration territoriale de l’État et de certaines politiques publiques par les autorités préfectorales ? Nous serons attentifs à la mise en œuvre concrète de cette réforme, pour qu’il n’en soit pas ainsi et qu’il n’y ait pas de rationalisation budgétaire au détriment du service rendu aux citoyens.
Calendrier :
- Les projets de décrets devraient être présentés en Conseil supérieur de la fonction publique d’État (CSFPE) le 10 juillet. Les organisations syndicales de la Fonction publique avaient demandé un report de ce point à l’ordre du jour du CSFPE, mais cela a été refusé (voir le communiqué de l’intersyndicale CFDT, CFE-CGC, CGT, FO, FSU, Solidaires, UNSA).
- Le passage en Conseil des ministres est prévu la dernière semaine de juillet.
- D’autres textes réglementaires complémentaires sont également prévus et seront actés durant l’été. Des dispositions législatives sont en outre envisagées pour les points nécessaires – par exemple lorsque les prérogatives actuelles d’un opérateur sont organisées par la loi – et seront soumises au Parlement « à la rentrée ».
- Une circulaire sera diffusée « lorsque tous les textes auront été publiés » afin de « préciser et compléter certains points par des instructions aux ministres et aux préfets ».
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