Semaine de quatre jours : La deuxième métropole de France se lance

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Concentrer son travail pour se libérer une journée est une promesse séduisante, mais est-ce vraiment la panacée ?

Dossier   » Semaine de quatre jours : mirage ou avancée sociale? « 
par Anne-Sophie Balle, Fabrice Dedieu et Claire Nillus

Article 1 : Un débat (encore) très patronal –  (lundi 09 octobre)
Article 2 : “Dans les fonctions publiques, c’est un sujet qui émerge” – (mardi 10 octobre)
Article 3 : Le temps de travail au menu de la rentrée sociale –(mercredi 11 octobre)

Article 4 : La deuxième métropole de France se lance (jeudi 12 octobre)
Article 5 : Chez Accenture, un premier bilan plutôt positif – (vendredi 13 octobre)

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La deuxième métropole de France se lance

Depuis le 1er septembre, le Grand Lyon expérimente la semaine de quatre jours. Parmi les 300 agents volontaires, certains ont sauté le pas pour un meilleur équilibre entre vie pro et perso. D’autres s’inquiètent des effets d’un volume horaire de travail quotidien accru alors que le personnel manque. Les organisations syndicales, non consultées en amont de la décision, sont sur le qui-vive. Reportage.

Par Anne-Sophie Balle


© vwalakte on Freepik

Le grand bain pour le Grand Lyon. La deuxième métropole de France a décidé de sauter le pas en proposant à 5 500 de ses 9 600 employés de tester, pendant un an, la semaine de quatre jours. À durée hebdomadaire du travail égale, les volontaires, issus de 120 services, se sont vu proposer début mai une nouvelle organisation à choisir parmi quatre scénarios. Objectif affiché : offrir un panel de rythmes pour que chacun y trouve son compte en fonction de sa vie personnelle et de la réalité de son métier. « Une aubaine » pour Pauline Arnaudon, nouvellement embauchée. À 27 ans, la jeune femme n’a pas de « contrainte familiale » et voit dans cette expérimentation la possibilité d’avoir une journée pour elle. « Ça va me permettre de caler des rendez-vous médicaux, par exemple, mais aussi d’éviter les jours d’affluence, généralement plus chers, si je veux partir. »


Pauline Arnaudon, nouvellement embauchée à la métropole du Grand Lyon. © Bertrand Pichene

Pour mener à bien ce qu’elle qualifie de « politique sociale offensive », la métropole s’est inspirée des mesures similaires mises en place à Lille ou Grenoble, qui connaissent les mêmes difficultés d’attractivité et de fidélisation. L’argument du recrutement n’est certes pas directement mis en avant mais les faits sont là. À Lyon, le taux moyen de vacance des postes est de 10 % – auquel s’ajoutent 10 % d’agents en arrêt maladie. « Quatre recrutements sur dix n’aboutissent pas, et on ne parvient plus à inverser la tendance, s’inquiète le délégué syndical Simon Davias. Rien qu’à la délégation sociale, il manque 700 postes. » Alors, à l’heure du déploiement de la semaine de quatre jours, les organisations syndicales restent prudentes. La CFDT s’inquiète que la question du contrôle ait été à peine esquissée, mais aussi d’une augmentation des situations de mal-être au travail. « Nous sommes particulièrement attentifs à ce que la durée du travail journalière, plus concentrée, ne produise pas de burn-out et de risques psychosociaux. »


Simon Davias, délégué syndical.© Bertrand Pichene

Forcer les choses pour se préserver. Paradoxalement, c’est ce qui a poussé Audrey Lantz, travailleuse sociale, à se porter volontaire. Les neuf heures de travail par jour ? Elle les fait déjà : « Le fait d’avoir un mercredi sur deux va me permettre de compenser un peu le temps que je ne passe pas avec mes enfants. Ce choix, c’est une réflexion de fond, une manière de repenser l’organisation du travail pour tenir le coup. Il ne s’agit pas de confort professionnel mais personnel. Et j’ai décidé de prendre la dose de confort qu’on m’offre. »

Un premier bilan à six mois

« L’amélioration des conditions de vie et de travail reste un enjeu prioritaire dans cette expérimentation », assure Anne-Sophie Peyret-Rosà, chargée de mission qualité de vie au travail à la métropole. En cours jusqu’à la fin de l’année scolaire, l’expérimentation fera l’objet d’un premier bilan au bout de six mois. L’occasion « d’interroger les managers sur leur besoin d’accompagnement mais aussi de lever d’éventuelles frustrations nées chez les personnes qui n’ont pas pu participer ».

C’est le cas de Vincent Faye, qui travaille à la direction du cycle de l’eau. La semaine de quatre jours aurait été une « compensation pour les collègues qui n’ont pas accès au télétravail. Mais notre direction n’a pas souhaité engager le service dans l’expérimentation ». Qu’en sera-t-il demain en cas de généralisation du dispositif ?


Vincent Faye, employé à la direction du cycle de l’eau au Grand Lyon© Bertrand Pechene

Contrariées de ne pas avoir été consultées en amont du projet, les organisations syndicales devraient être intégrées au groupe de travail de suivi. « Il ne faudrait pas qu’on se laisse endormir par de la poudre aux yeux qui détourne le regard des vrais problèmes structurels », estime Audrey Lantz. Et Simon d’ajouter : « Parfois, j’ai l’impression qu’on met la cerise sur le gâteau alors qu’il n’y a pas de gâteau. »  

Anne-Sophie Balle – Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

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