Les femmes, grandes perdantes de la réforme des retraites

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Retraites : la réforme fait-elle vraiment reculer les inégalités hommes-femmes ? Des mesures pour les femmes, c’est du moins ce que promet la réforme des retraites avec notamment la prise en compte du congé parental dans le calcul des années cotisées. Malgré des progrès, les retraitées continuent de percevoir moins que les hommes. La réforme présentée par la Première ministre va-t-elle réduire ces inégalités ? La réponse est NON ! … et BIEN AU CONTRAIRE.

Le projet de loi relatif à la réforme des retraites a été présenté en conseil des ministres, accompagné d’une « étude d’impact » censée décrire ses principaux effets. Une étude d’impact, produite par les services de l’État, dont la page de garde est illustrée par les mots « justice, équilibre et progrès ».

Le projet « protège les femmes » annonce, pas très convainquant, Olivier Dussopt, le Ministre du travail . Pourtant, l’étude d’impact dit le contraire

L’étude d’impact est très claire : les femmes seront davantage concernées que les hommes par le recul de l’âge de départ à la retraite, de 62 à 64 ans. Elles devront travailler en moyenne 7 mois de plus contre seulement 5 mois pour les hommes pour la génération 1966. Le décalage sera de 9 mois contre 5 mois pour la génération 1972. Pour la génération 1980, on passe même du simple au double : les femmes devront partir en moyenne 8 mois plus tard contre 4 pour les hommes.

« Les femmes pour atteindre leur durée de cotisation utilisent notamment des trimestres validés par enfant (huit trimestres par enfants) […] Évidemment, si vous reportez l’âge légal (à 64 ans), elles sont « un PEU pénalisées ». On n’en disconvient absolument pas. Sur ce point-là, elles sont « un PEU plus impactées » que les hommes (…) », a admis, à l’antenne de Public Sénat, sans vergogne, le ministre Franck Riester.

Le ministre fait ici référence à l’avantage familial dont bénéficient les femmes qui ont des enfants. Actuellement, les 8 trimestres par enfant dont elles profitent leur permettent de partir plus tôt, dès 62 ans, à la retraite en termes d’annuités à cumuler. Avec le report de l’âge légal à 64 ans, ces femmes devront de toute façon attendre d’avoir 64 ans pour partir à la retraite même si elles disposent avant cet âge de suffisamment d’annuités pour un taux plein. Selon la DREES, beaucoup de femmes sont dans ce cas : 123.000 femmes, en 2020, ont ainsi pu partir à la retraite dès 62 ans avec tous les trimestres requis.

Pour dire que cette réforme apporte des améliorations, le gouvernement se réfugie encore et toujours derrière le minimum de pension à 85% du SMIC, soit 1200 €. Ce plancher, proclamé en 2003, n’a jamais été appliqué. De plus, ce minimum de 1200 €, ne s’appliquera qu’en cas de carrière complète ! Encore mieux ! Précision apportée cette semaine par Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement : la cible de 1200 euros s’entendra en « brut ». De ce montant seront déduits des prélèvements comme la CSG, dont le taux dépend des revenus du foyer.

Cependant l’étude d’impact ne parle pas du problème de la surcote, en particulier pour les femmes. Les femmes prolongent leur activité d’une ou deux années, compensant ainsi leurs pensions inférieures à celles des hommes (en cause, le temps partiel : 28% des femmes, 8% des hommes). Chaque année supplémentaire permet une augmentation de 5% de la pension. La réforme envisagée qui fixe l’âge minimum de départ à 64 ans, au lieu de 62 ans  annihile cette possibilité. A titre d’exemple une femme qui peut partir à 62 ans à taux plein mais prolonge jusqu’à 64 ans, bénéficie d’une surcote de 10%. Une fois la réforme mise en place, NIET des 10% en plus !

Lot de consolation : les congés parentaux seront désormais pris en compte, dans la limite de 4 trimestres, pour celles qui ont commencé à travailler avant 20 ans. Davantage de femmes pourront ainsi bénéficier d’un départ anticipé au titre du dispositif carrière longue. C’est l’un des arguments mis en avant par le gouvernement pour expliquer que « sa réforme protège les femmes ». Mais attention, cela ne concernera que quelque 2000 femmes en moyenne chaque année.