Un 1er-Mai historique …

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À bien des égards, ce 1er Mai intersyndical et unitaire aura déjoué les pronostics. Réunissant 1 467 000 personnes dans toute la France, la treizième journée de mobilisation contre la réforme des retraites a aussi été l’occasion de découvrir le soutien massif du syndicalisme international au mouvement social français. De son côté, l’intersyndicale (réunie le 2 mai au matin) acte une nouvelle journée d’action le 6 juin, deux jours avant la présentation à l’Assemblée de la proposition de loi visant à abroger le texte.

Rarement journée internationale des travailleurs aura été l’occasion d’une telle photo de famille. Traditionnellement célébrée dans la plupart des pays du monde, le 1er-Mai a toujours été l’occasion d’importantes manifestations du monde du travail pour les droits des travailleurs. Alors qu’en Europe cette édition 2023 s’inscrivait sous le signe de la colère sociale (en Angleterre, mais aussi en Allemagne, où d’importants mouvements de grève ont lieu depuis l’automne contre l’inflation), en France, les syndicats avaient choisi de faire de cette date symbolique leur treizième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Près de 300 cortèges prévus partout en France ont rassemblé 1 467 000 personnes (chiffres CFDT), bien au-delà des attentes.

« On a un 1er-Mai historique, je peux le dire », lançait d’ailleurs Laurent Berger avant même le départ du cortège parisien. Lui qui appelait il y a quelques jours encore à « casser la baraque » voit dans « ce gros succès de la mobilisation le rejet de la réforme et l’aspiration des travailleurs à être considérés autrement par le gouvernement ».

Vidéo de la treizième journée de mobilisation, le 1er mai 2023, à Paris

Il est 14 heures quand les premiers chiffres de la matinée remontent : alors que les rassemblements du 1er-Mai rassemblent d’ordinaire quelques centaines de milliers de personnes dans toute la France, le million est en passe d’être atteint, et ce, alors que les grandes villes n’ont pas encore commencé. Déjà, 910 000 personnes dans 157 des 227 villes recensées par la CFDT, avec des mobilisations toujours très fortes dans les villes moyennes :  12 000 à Albi, 25 000 à Nîmes et Strasbourg, 1 600 à Bastia ou encore 10 000 à Lorient. Les sourires s’affichent sur les visages alors que s’élance la manifestation parisienne.


Dans le cortège parisien…© Syndheb

Solidarité syndicale internationale

Oui, ce 1er-Mai unitaire et intersyndical (pour la première fois depuis 2009) est, de fait, historique. Et à plus d’un titre. À Paris, une cinquantaine de représentants syndicaux (dont la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats [CES], Esther Lynch, et le secrétaire général par intérim de la Confédération syndicale internationale [CSI], Luc Triangle) se tiennent aux côtés des organisations syndicales françaises pour dire leur solidarité avec le mouvement social contre la réforme des retraites. « Je suis là pour apporter la solidarité des 50 millions de travailleurs de toute l’Europe, affirme Esther Lynch, aux côtés de Laurent Berger dans le carré de tête parisien. Les travailleurs ne doivent pas payer le prix de la crise. Nous appelons à un dialogue social très fort avec une solidarité avec les syndicats français. »

À quelques mètres de là, la Fédération italienne des ouvriers métallurgistes (FIOM-CGIL) s’émeut du mouvement social français. « Cette capacité de mobilisation dans la durée et l’unité, c’est un cadeau énorme que les syndicats français ont fait aux travailleurs de l’Europe entière, et une grande leçon de combativité », affirme leur représentante Valentina Orazzini.


Laurent Berger entouré d’Esther Lynch (CES) et de Luc Triangle (CSI).© DR


Une cinquantaine de représentants syndicaux internationaux ont fait le déplacement à Paris ce 1er mai 2023.© DR

Quelles suites pour l’intersyndicale ?

Historique, ce 1er-Mai l’est aussi tant il aura déjoué tous les pronostics de longévité de l’intersyndicale, que d’aucuns auraient aimé voir se fissurer dès les premiers jours de la mobilisation. « Il y a une volonté de maintenir l’intersyndicale, notamment sur des revendications communes, réaffirme Laurent Berger, au même titre que ses homologues syndicaux. On a fait la preuve de notre maturité et de notre capacité à travailler ensemble pour élaborer un rapport de force. On mène l’intersyndicale depuis le début sur deux éléments : un mot d’ordre commun “Non aux 64 ans” et sur le fait d’annoncer ensemble ce qu’on allait faire ensuite. On décidera donc ensemble demain des suites », explique le leader CFDT.

L’intersyndicale, réunie ce 2 mai au matin, doit notamment discuter des suites de la mobilisation dans la perspective de la décision du Conseil constitutionnel autour du RIP (référendum d’initiative partagée) attendue le 3 mai (Dernière minute : Le Conseil constitutionnel a rejeté la deuxième demande de RIP sur la réforme des retraites) et de la proposition de loi du groupe Liot, début juin, qui pourrait permettre d’avoir un premier vote à l’Assemblée nationale sur le texte. « Nous appelons unitairement nos organisations à aller rencontrer les députés partout pour les appeler à voter cette proposition de loi. Dans ce cadre, l’intersyndicale appelle à multiplier les initiatives avec notamment une nouvelle journée d’action commune, de grèves et de manifestions le 6 juin prochain permettant à l’ensemble des salariés de se faire entendre des parlementaires », explique l’intersyndicale dans un communiqué commun (Ci-dessous) daté du 2 mai.

Quant à la proposition d’Élisabeth Borne de discuter en bilatérales avec les partenaires sociaux (invitation encore non formalisée par la Première ministre pour l’heure), la CFDT a indiqué qu’elle irait, conditionnant la reprise du dialogue à certaines conditions. Avant de s’adresser à l’exécutif : « Si vous voulez qu’on discute, il va falloir que vous soyez à la hauteur sur la méthode et que vous mettiez sur la table plusieurs points sur l’organisation du travail. Sinon, ce sera sans nous. »

Par Anne-Sophie Balle – Publié le 01/05/2023
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D’après l’article initialement publié par Syndicalisme-Hebdo
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Le communiqué de l’intersyndicale :

 

Toujours unis, nombreux et déterminés pour le retrait et pour le progrès social

2,3 millions de jeunes, de salarié.es et de retraité.e.s ont défilé partout en France, faisant de ce 1er mai 2023 un des plus importants de notre histoire sociale. Une centaine de syndicalistes des 5 continents ont rejoint notre manifestation parisienne en soutien à la mobilisation française. Parmi eux, étaient présent.e.s Esther Lynch, secrétaire générale de la CES et Luc Triangle, secrétaire général de la CSI.

Cette 13ème journée unitaire contre la réforme des retraites démontre la détermination des travailleurs et travailleuses à faire échec à cette réforme des retraites. Depuis plus de 3 mois, des records sont battus tant par le nombre de manifestant.e.s que par le nombre de grévistes dans le public comme dans le privé.

Malgré cela l’exécutif a enchaîné les passages en force : refus de recevoir les syndicats, utilisation du 49-3, promulgation immédiate malgré la censure partielle du conseil constitutionnel… La décision du Président de la République de maintenir sa réforme malgré l’opposition quasi unanime de la population crée une défiance profonde. L’intersyndicale dénonce, une nouvelle fois, solennellement, ces décisions autoritaires qui ajoutent à la crise sociale une crise démocratique. L’intersyndicale a toujours refusé de céder à ces provocations et s’est attachée à maintenir une mobilisation pacifique, festive et populaire malgré des incidents parfois graves que nous déplorons.

Dans l’attente de la décision sur le RIP, l’intersyndicale se félicite de la proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites qui sera à l’ordre du jour le 8 juin prochain à l’Assemblée nationale. Cette proposition de loi permettra pour la première fois à la représentation nationale de se prononcer par un vote sur la réforme des retraites.

Nous appelons unitairement nos organisations à aller rencontrer les députés partout pour les appeler à voter cette proposition de loi. Dans ce cadre, l’intersyndicale appelle à multiplier les initiatives avec notamment une nouvelle journée d’action commune, de grèves et de manifestions le 6 juin prochain permettant à l’ensemble des salariés de se faire entendre des parlementaires.

Depuis 6 mois, les organisations syndicales de salariés font de nombreuses propositions, notamment en matière de financement, pour renforcer notre système de retraite par répartition et le rendre plus juste.

Le gouvernement a annoncé l’ouverture d’un cycle de concertations sans que l’objet ni le cadre ne soient précisément fixés. Les organisations syndicales de salarié.e.s rappelleront leur refus de la réforme des retraites.

Elles travailleront à des propositions intersyndicales communes mettant à contribution les employeurs, pour que les préoccupations des salarié.e.s soient enfin prises en compte, en matière de salaires, de conditions de travail, de santé au travail, de démocratie sociale, d’égalité F/H et d’environnement notamment. La défiance est profonde et le dialogue ne pourra être rétabli que si le gouvernement prouve sa volonté de prendre enfin en compte les propositions des organisations syndicales.

Le 2 mai 2023

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Voir aussi nos articles sur la réforme des retraites :

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